J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 7 mars 2025 03:52

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Dave Douglas, Uri Caine, Andrew Cyrille – Devotion – (2019)

Bien qu’ils soient trois, Dave Douglas à la trompette, Uri Caine au piano et Andrew Cyrille à la batterie, assez curieusement, le concepteur du projet, le dénommé Douglas, ne participe pas au premier titre, « Curly », qui se règle entre le pianiste et le batteur.

Mais les voilà à trois pour rendre hommage au pianiste Franco D'Andrea, il faut dire qu’ici les titres sont souvent « dévolus » à des personnalités musicales qui les ont marqués, le second « Francis of Anthony » est lui aussi écrit en direction du pianiste italien.

Toutes les pièces, à l’exception de la dernière sont écrites par Dave Douglas, ce qui personnalise tout de même davantage les intentions premières. Le titre suivant « Miljøsang » ainsi que le très réussi « False Allegiances » sont à l’intention de Carla Bley. « Prefontaine », sans malice, est à l’intention de Steve Prefontaine, un coureur olympique mort tragiquement à vingt-quatre ans, dont la vie a servi de trame à un film sorti en quatre-vingt-dix-sept.

La pièce est plutôt sombre et semble comporter des passages improvisés, elle est également inquiétante et même tragique, le jeu en trublion d’Uri Caine apporte tout l’inconfort nécessaire à cette « œuvre au noir ». C’est d’ailleurs à signaler, tout l’album est imprégné de la couleur décalée du jeu de Caine, très discordant et subversif, ravalant même Douglas au rang de commentateur.

Il n’y a aucune fourberie dans cet état de fait, les deux se connaissent bien, pour avoir travaillé avec John Zorn, même s’ils ne se sont pas rencontrés à cette occasion. Quoiqu’il en soit, ils ont déjà joué en duo sur l’album « Present Joys » de deux mille quatorze, mais je ne sais plus si je vous en ai parlé.

« Pacific », une dédicace à Aine Nakamura et à la classe de composition Mannes/New School de l'automne deux mille dix-sept, je vous joints les notes de pochette, « [Ça] a commencé comme une mission. [Nakamura] jouait d'un instrument à cordes asiatique accordé en C-F-C, et nous avons écrit dans ces limites. Ces lettres sont devenues la base du titre. » Bon ce n’est pas vraiment plus clair, mais enfin… L’écoute, plutôt agréable, révèle de nombreux sauts entre sons graves et aigus…

« Rose and Thorn », plutôt tonique et revigorant, est dédicacé à la pianiste Mary Lou Williams, et enfin « We Pray » au trompettiste légendaire Dizzy Gillespie. La dernière pièce « Devotion » qui donne son titre à l’album est signée par Alexander Johnson, elle résume les intentions de l’album : « Love, loyalty, or enthusiasm for a person, activity, or cause. »

We Pray (feat. Uri Caine & Andrew Cyrille)
Miljøsang (feat. Uri Caine & Andrew Cyrille)
False Allegiances (feat. Uri Caine & Andrew Cyrille)
Devotion (feat. Uri Caine & Andrew Cyrille)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 8 mars 2025 05:22

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Bob Brookmeyer - Zoot Sims – Whooeeee – (1956)

Un petit saut vers la côte ouest avec cet album de Bob Brookmeyer au trombone à pistons et Zoot Sims au sax ténor, deux tenants de l’école « cool ». La toute première version de l’album se nommait « Today's Jazz », mais se transforma rapidement en « Whooeeee » dès la première réédition de cinquante-sept, la première appellation correspondait davantage au titre d’une collection que de l’album lui-même.

L’école « cool » n’exclut évidemment pas les titres rapides, mais s’inscrit davantage dans la lignée d’un Lester Young par exemple, en opposition au be-bop technique et démonstratif, qui deviendra un peu plus tard le « hard-bop ». Ainsi le courant « cool » est, d’une certaine façon, plus conservateur et orienté vers une musique souvent qualifiée de « commerciale ». Ceci ne l’exonère pas de grandes qualités, la figure de proue de ce mouvement est Miles Davis ce qui dit beaucoup, bien des suiveurs seront des musiciens blancs de la côte ouest, on peut citer Chet Baker, Al Cohn, Zoot Sims, Bob Brookmeyer, Gerry Mulligan, Stan Getz, mais il y eut également le Modern Jazz Quartet…

Cet album-ci correspond bien à ce type de musique, l’ex-pianiste Bob Brookmeyer s’est orienté vers le trombone dont il joue excellemment, la combinaison du son du trombone mélangé à celui du sax ténor est très complémentaire, cuivre et anche se mariant avec délice…

La formation est complétée par Hank Jones au piano, Bill crow à la contrebasse et Jo Jones à la batterie, du sérieux et de la qualité. Les pièces sont souvent des reprises, mais Brookmeyer a composé le morceau titre et Zoot Sims « Morning Fun », Al Cohn, ami des deux musiciens est repris par deux fois, sur « Snake Eyes » et l’excellent « Box Cars » qui termine l’album.

L’album s’ouvre avec un hit d’alors, « The King » signé de Count Basie, titre rapide et virevoltant qui permet aux solistes de briller en montrant l’étendue de leur technicité. Il y a également le standard « I Can’t Get Started » qui mérite quelques commentaires, car Zoot y chante alors que, d’évidence, il n’est pas Chet Baker ! Pourtant avec le temps ça passe mieux qu’à l’époque de la sortie de l’album où l’exigence était toute autre, ne tolérant aucune approximation, bien que la voix soit juste.

Il y a d’autres ballades, comme « Lullaby Of The Leaves » et le medley constitué par « Someone to Watch over me » et « My Old Flame » qui va bien. Ainsi l’album est varié et merveilleusement complété par une section rythmique de très haut niveau avec le talentueux Hank Jones et le valeureux Jo Jones, à l’époque le plus célèbre du plateau.

The King
I Can't Get Started with You
Medley: Someone to Watch Over Me/My Old Flame
Whooeeee
Box Cars
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 9 mars 2025 04:53

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Ambrose Akinmusire – Honey From A Winter Stone – (2025)

Tiens, le premier album de deux mille vingt-cinq ! Il me reste encore des albums de vingt-quatre à écouter, mais je priorise celui-ci, car je suis un fidèle de ce musicien dont j’ai les six derniers enregistrements, je conseillerais volontiers le consensuel « A Rift In Decorum (Live At The Village Vanguard) » à ceux qui désireraient rencontrer pour la première fois ce curieux trompettiste.

Il avance en carrière sans esbrouffe ni scandale, d’un tempérament réservé, presque austère, Ambrose construit une magnifique œuvre, brique après brique, avec une constante qualité, ce qui ne l’empêche pas de multiplier les rencontres et d’évoluer. La musique est son affaire, il se consacre à son art avec tout le sérieux nécessaire et ce dernier opus marque à nouveau une évolution, graduée, mais, me semble-t-il importante.

Le premier signe tient dans l’entourage du musicien, l’arrivée de Kokayi par exemple, qui apporte son flow et son rap sur quatre des cinq compositions, dès « Muffled Screams » qui ouvre l’album et dont les paroles figurent dans le petit livret d’accompagnement. Ce retour vers les musiques dites « urbaines » est encore plus important que sur « Origami Harvest », paru dans la période Blue Note du musicien.

Il y a également le MIVOS Quartet qui participe, avec Olivia de Prato at Maya Bennardo au violon, Victor Lowrie Tafoya à l’alto et Tyler Borden au violoncelle, la seconde pièce « Bloomed (The Ongoing Processional Of Nighas In Hoodies) », absolument magnifique, vibre de ces cordes-là, avec des accords et des sonorités viscérales.

Mais il faut encore évoquer l’arrivée de « Chiquita Magic » aka Isis Giraldo, aux synthés, qui apporte grandement, se combinant à merveille dans l’ensemble musical en tissant des nappes sonores envoutantes. Pour être complet il faudrait également citer le pianiste Sam Harris, le fidèle, qui veille, et Justin Brown à la batterie…

Bien évidemment un tel album est particulier, sans basse, mais le synthé fait l’affaire, comme sur « Owled », autre séquence hypnotique. Mais, à la lecture du livret, c’est un peu plus qu’un enregistrement parmi d’autres pour Ambrose Akinmusire, qui évoque une sorte d’autoportrait, en même temps qu’il le dédie au regretté compositeur Julius Eastman. L’album n’est pas free mais reste très moderne par l’interaction de toutes ces sonorités qui se combinent comme une sorte de symphonie inhabituelle et totalement étrange, qui offre des couleurs futuristes inédites. La dernière pièce « s-/Kinfolks » est géantissime.

Ambrose Akinmusire - muffled screams (Official Visualizer)
Ambrose Akinmusire - Bloomed (the ongoing processional of nighas in the hoodies) (Official Audio)
Ambrose Akinmusire - MYanx. (Official Audio)
s-/Kinfolks
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 10 mars 2025 03:37

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Yom – Le Silence De L'Exode – (2014)

En deux mille quatorze, Yom possède déjà cette forte personnalité qui lui permet d’aborder les grands projets, comme cet album, « Le silence de l’exode », une longue pièce de plus de cinquante-sept minutes, partagée en quatorze parties et composée en totalité par le clarinettiste.

Il est secondé par Bijan Chemirani, le célèbre percussionniste iranien, qui joue du Bendir, du Daf et du Zarb, Farid D est au violoncelle et l’excellent Claude Tchamitchian à la contrebasse. Ce quartet est complètement tourné vers l’orient et ses musiques charmeuses, pleines d’ivresses et d’envoûtements, de contes et de rêves…

Mais pourtant ici, une histoire est racontée, celle de l’errance du peuple juif, qui sortit d’Egypte et chemina plus de quarante années dans le désert du Sinaï. Cette œuvre est à l’origine une commande du « Festival Ile-de-France » et, lors des représentations, Yom fit en sorte que plutôt que les rituéliques applaudissement qui marquent la fin d’une représentation, le silence des spectateurs soit la continuation de l’œuvre et fasse écho à la musique qui s’est tue…

Cette œuvre possède quelque chose de tragique et de beau, comme une grandeur naturelle qui épouse le projet, lui donne corps, mais fait écho aussi en chacun, porteur de son propre exil, de sa propre recherche, ainsi que de sa destinée via son chemin personnel…

La musique ici est souvent hypnotique, elle avance en cherchant sa route et vous emmène au milieu de cette caravane errante, mais elle n’est pas sans but, ni sans espoir, bien au contraire, pleine de la foi qui soutient et des mystères de la mystique, des secrets cachés qui nécessitent une initiation…

La croisée des musiques, juives et moyen-orientales narre cette histoire, partant de « Ramses », passe par « Rouge », puis « Errance », via « L'Eau Jaillie Du Rocher », ainsi jusqu’à « Moïse » qui termine l’album et la pérégrination, parcourue par quatorze étapes en un seul souffle magnifique qui transporte sans faillir, jusqu’au bout, vers la finalité…

Un album magnifique et initiatique, porteur d’espoir et de vitalité, tout au long de ce long cheminement dans le désert…

Le silence de l'exode (Errance)
Le silence de l'exode (Rouge)
Le silence de l'exode (Ramses)
Le silence de l'exode (L'eau jaillie du rocher)
Le silence de l'exode (Révélation)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » lun. 10 mars 2025 08:57

Merci une nouvelle fois pour tous ces partages d'albums et surtout les notes détaillées que tu y ajoutes. :super:

En ce lundi, un peu de coolitude avec le Jazz fusionnant des japonais de PRISM.
1er album (éponyme) sorti en 1977 et qui fait la part belle aux rythmes chaloupés, basses rebondies et autres saillies cristallines de guitares.

Cela mériterait une réédition (un seul pressage existe), même si le disque ne se trouve à pas trop cher un peu partout, y compris avec le obi d'origine :)

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 10 mars 2025 18:25

Piranha a écrit :
lun. 10 mars 2025 08:57
Merci une nouvelle fois pour tous ces partages d'albums et surtout les notes détaillées que tu y ajoutes. :super:

En ce lundi, un peu de coolitude avec le Jazz fusionnant des japonais de PRISM.
1er album (éponyme) sorti en 1977 et qui fait la part belle aux rythmes chaloupés, basses rebondies et autres saillies cristallines de guitares.

Cela mériterait une réédition (un seul pressage existe), même si le disque ne se trouve à pas trop cher un peu partout, y compris avec le obi d'origine :)

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Souvent quand un album réunit le prix relativement bas avec le pressage d'origine, c'est qu'il s'est sacrément bien vendu lors de sa sortie, quelques indices (dont la musique déjà) nous montrent qu'il a bien cartonné outre-Rhin à sa sortie, une pièce à ne pas négliger si l'occasion se présente...
(Par contre les Cds nippons sont assez onéreux)...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 11 mars 2025 04:39

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The Miles Davis Quintet – Workin' With The Miles Davis Quintet – (1959)

Retour vers le fameux Miles Davis Quintet et ses deux sessions qui donnèrent naissance à cette fameuse quadrilogie dont voici le troisième volet, « Workin’ », avec Miles à la trompette, Coltrane au sax ténor, Red Garland au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Philly Joe Jones à la batterie. Le bon sens voudrait qu’il y ait un fléchissement, un moment faible, moins parfait, mais il n’en est rien, bien au contraire, au milieu de tous ces tirages « Columbia » qui sortent et émerveillent, et bien les vieux « Prestige » supportent la comparaison et tiennent bien le coup, malgré qu’ils aient été enregistrés en cinquante-six…

La première pièce, « It Never Entered My Mind » enregistrée sans Coltrane, est une pièce lente, extraordinaire, qui révèle un Miles à son zénith, du niveau de « My Funny Valentine » ou « You're My Everything », sur les deux albums précédents, on ressent à l’écoute de ces pièces toute la magie de Miles, son immense savoir-faire et l’étendue de son talent, par la recherche de la sonorité, la pureté de son solo, tout à l’économie, ne jouant que le nécessaire et ajoutant au bon moment les commentaires judicieux et infaillibles, un titre pourvoyeur d’émotions…

Il y a également, sur ce troisième volume, trois pièces qui deviendront des incontournables lors des concerts, « Four » tout d’abord, nerveuse et vive, « The Theme » ici dans deux versions différentes, qui perdurera dans le répertoire au fil des décennies qui s’écouleront, comme une sorte de « My Favourite Things » pour Coltrane, j’évoque uniquement le côté obsessionnel à ce stade, n’allant pas plus loin.

Justement, Coltrane y participe avec ses solos apportant sa couleur, « In Your Own Sweet Way » de Dave Brubeck est la toute première pièce enregistrée en cinquante-six, qui attendait patiemment sa parution. « Trane's Blues » est le premier titre de Coltrane joué par le quintet, il s’y montre percutant et habile, à sa suite arrive l’excellent « Ahmad's Blues » du pianiste Ahmad Jamal qui tient haut la tension puis, le remarquable « Half Nelson » de Miles qui est également un sommet.

Pour finir, une seconde version de « The Theme », à nouveau très et trop courte, dont on ressent le potentiel qu’elle recèle par son ouverture vers tous les possibles … Pour beaucoup ce troisième volume est le plus réussi, même si les avis ne sont pas forcément tranchés et que d’autres butineront ailleurs, mais une chose est sûre c’est que Miles « bosse » ici…

The Miles Davis Quintet - It Never Entered My Mind from 'Workin' With The Miles Davis Quintet
2 Four by Miles Davis from 'Workin' With The Miles Davis Quintet'
3 In Your Own Sweet Way by Miles Davis from 'Workin' With The Miles Davis Quintet'
Miles Davis - Trane's Blues
6 Ahmad's Blues by Miles Davis from 'Workin' With The Miles Davis Quintet'
7 Half Nelson by Miles Davis from 'Workin' With The Miles Davis Quintet'
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » mar. 11 mars 2025 08:13

Shabason, Krgovich, Sage (2024)



Le duo de Joseph Shabason et Nicholas Krgovich est rejoint ici par le prolifique Matthew Sage, nouvelle tête dans les univers du Jazz américain, tendance New Age, Ambient

Les canadiens nous offrent un album contemplatif où la voix de Krgovich accompagne paisiblement les ambiances de Sage et le sax de Shabason.
:super:

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 12 mars 2025 02:42

En effet, un étonnant mélange d'ambient et de folk-jazz plutôt reposant...
Une belle découverte !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 12 mars 2025 03:02

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Henry Threadgill's Zooid – Up Popped The Two Lips – (2001)

Voici un nouvel album de la part du flûtiste et saxophoniste alto, à nouveau dans une configuration nouvelle signifiée par le terme « Zooid ». D’évidence ce qui la caractérise c’est le parti-pris acoustique, ce qui n’est pas habituel pour ce musicien, pourtant ça fonctionne terriblement bien et l’expérience sonore est à nouveau remarquable.

Il est accompagné par le guitariste, acoustique donc, Liberty Ellman, le joueur de oud Tarik Benbrahim, venu du Maroc, le violoncelliste Dana Leong dont la mère est japonaise, le tubiste Jose Davila qui est portoricain et le batteur Dafnis Prieto venu de Cuba. Ces musiciens venus de partout communient autour de la musique étrange, bizarre et fantasque d’Henry Threadgill qui nous livre à nouveau une copie parfaite, et qui me réjouit.

La « patte » d’Henry est partout ici, dans l’esprit et l’écriture des compos, les arrangements malins et imprévisibles, les faux départs et les vrais délires, les montées en tension multiples, les sons inattendus et imprévisibles, le mélange de toutes ces cordes qui parfois paraît inextricable, et ce blues latent qui est là, souvent présent, qui cimente et guide.

Point de pièce faible et des fulgurances tout du long, « Tickled Pink » ouvre l’album avec un Threadgill lumineux à la flûte, il en joue de façon très personnelle et tout à fait décapante, quelques notes suffisent à faire remonter les souvenirs des albums déjà entendus, et tout à coup, cette flûte symbolise tant de moments doux et magiques, ce « son » si unique avec le tuba à l’arrière, dans le rôle de la contrebasse, mais avec une rondeur qui semble faire comme des bulles !

Ça s’affole ensuite sur « Dark Black » avec l’alto et le oud qui dialoguent et les autres à l’arrière qui ponctuent, et puis il y a l’extraordinaire « Around My Goose » que Threadgill allume avec son sax droit et tendu, s’entendent des airs de flamenco et même, de façon inattendue, de musique ouzbèke, ça régale de ce côté, les folks surgissent de partout, la pièce ainsi pulsée avance en drainant une énergie épique.

Ici se joue la véritable musique universelle, le mix tant recherché a trouvé ici une issue inouïe dont Henry est le dénominateur commun et fédérateur unique, quelles que soient les routes et les chemins empruntés ils se retrouvent ici réunis sous l’égide du musicien sorcier qui réussit l’inédite fusion, l’étrange combinaison, comme sur l’ultime et géniale piste « Do The Needful ».

A noter que quelques mois plus tard, sortira un nouvel opus, « Everybodys Mouth’s A Book » d’un genre encore différent.

tickled-pink


Henry Threadgill Zooid - Around My Goose
Henry Threadgill's Zooid – Look
Henry Threadgill's Zooid, The Jazz Gallery, NYC, 2013
Henry Threadgill's Zooid
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 13 mars 2025 06:11

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Pierrick Pédron – The Shape Of Jazz To Come (Something Else) – (2024)

Pierrick Pédron n’est pas pour moi un inconnu, écouté lors de concerts télévisés, y compris dans un hommage à Charlie Parker où il s’était montré sublime, je connais sa parfaite maîtrise du saxophone alto et sa générosité en concert, le cœur bat fort sous un aspect parfois un poil strict. Je vous ai, en outre, présenté en vingt et un, son album « Fifty-Fifty - New York Sessions ». Lorsque j’appris qu’il avait entrepris de jouer dans sa totalité le célébrissime « The Shape Of Jazz To Come » d’Ornette Coleman, ma curiosité fut de suite éveillée.

C’est le troisième album d’Ornette, après « Something Else!!!! » de cinquante-huit et « Tomorrow Is The Question! », début cinquante-neuf, quelques mois après, en mai sortit notre album avec en porte-étendard le fameux « Lonely Woman » qui fit tant parler de lui. La version ici présentée est fantastique, et par sa différence, et par la justesse de son interprétation, avec un nouvel angle.

C’est qu’il y a un arrière-plan dans cet album qui s’appuie sur les arrangeurs Laurent Courthaliac et Daniel Yvinec, qui ont travaillé les harmoniques de l’album d’Ornette, afin d’orienter celui-ci, particulièrement par la présence du pianiste Carl-Henri Morisset, instrument non présent sur l’album d’origine. Il y a également Thomas Bramerie à la contrebasse et Elie Martin Charrière à la batterie, des fidèles qui tournent ensemble depuis des années.

L’album est donc rejoué dans sa totalité, dans l’ordre voulu par Ornette Coleman, qui jouait également lui aussi, faut-il le préciser, du saxophone alto. C’est évidemment un hommage XXL, mais aussi une réinterprétation globale particulièrement stimulante, qui ne copie jamais son modèle et ne s’en éloigne que pour en souligner un nouveau trait caché, une autre face obscure, une révélation inopinée, rarement les amateurs de cet album auront été autant à la fête avec cette lecture extraordinaire effectuée par Pierrick.

La pochette elle-même dit beaucoup de cette relecture, avec un clin d’œil appuyé envers la pochette originale. Alors forcément l’œuvre de Coleman était un manifeste free, sur une toile de fond hard bop, pas énormément improvisée, lui qui partait souvent, lors des concerts, vers un aventurisme osé et parfois risqué. Les thèmes et les structures sont dans cette nouvelle version un peu bousculés mais pas trop, ou du moins pas tant que ça, tout est changé, modifié, relu, mais tout se reconnaît et se révèle « autre », reconfiguré, mais l’essentiel est là, dans la flamme qui couve, et l’énergie qui percute et même bouscule, pour que le plaisir soit là, réel et entier.

Une performance remarquable !

Lonely woman
Eventually
Peace
Focus on sanity
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » jeu. 13 mars 2025 07:01

Un peu de douceur en ce début de matinée qui débute : Steve Bergman "Music for an inner journey"
New Age de 1979 au climat évidemment calme.

Synthétiseur, flute, piano, basse par un seul homme
4 titres pour 44mn avec une longue improvisation comme premier titre

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Cassette private press
Existe dans des rééditions diverses. Toujours en cassette

:chapozzz:

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 14 mars 2025 01:18

Piranha a écrit :
jeu. 13 mars 2025 07:01
Un peu de douceur en ce début de matinée qui débute : Steve Bergman "Music for an inner journey"
New Age de 1979 au climat évidemment calme.

Synthétiseur, flute, piano, basse par un seul homme
4 titres pour 44mn avec une longue improvisation comme premier titre

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Cassette private press
Existe dans des rééditions diverses. Toujours en cassette

:chapozzz:
Un support que je n'écoute jamais, autrefois jugé moins fiable que d'autres...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 14 mars 2025 06:55

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Pepper Adams – Critics' Choice – (1958)

Voici un album paru en cinquante-huit en mono sur le petit label « World Pacific Records », assez confidentiel. Il ne fit donc alors pas trop de bruit, pourtant il est vraiment excellent, certains même, n’hésitent pas à parler de chef d’œuvre.

Pepper Adams est un joueur de saxophone baryton, à cette époque l’instrument était dominé par le célèbre Gerry Mulligan qui brillait dans l’école « cool », Pepper Adams lui-même était souvent associé à ce mouvement, étant blanc et jouant dans le grand orchestre de Stan Kenton. Pourtant il est né sur la côte Est, mais, sur cet enregistrement, il sonne étrangement comme un musicien de hard bop, bien que cet album soit enregistré sur la côte Ouest.

Figure ici un musicien resté assez méconnu, le trompettiste Lee Katzman qui joue sur la majorité des pièces, lui aussi est très saillant, entrant directement dans le vif du sujet, autoritaire dans ses interventions, il se montre brillant et inventif, pourtant il restera dans l’ombre de musiciens moins doués que lui, mais qui ont su percer davantage.

Jimmy Rowles est au piano, un grand nom de cette période, Doug Watkins tient la contrebasse et le batteur est Mel Lewis qui sera connu pour être un fameux meneur de big band, parmi les plus représentatifs du be bop. On le voit, côté musiciens c’est le haut du panier, souvent issus du fameux Stan Kenton Orchestra.

Une anecdote existe concernant le titre de cet album, « Critic's Choice ». En effet, à cette période, Pepper Adams a remporté le prix du « nouveau venu de l'année », on pourrait dire le « rookie », dans la catégorie saxophone baryton du sondage Critic's Choice du magazine de jazz « Downbeat ». Voilà qui fête grandement l’événement !

L’album contient un titre lent au milieu de ces torrents hard bop, le standard « Alone Together » qui voit Pepper Adams délivrer un long et beau solo, Jimmy Rowles est également délicieux dans l’ordre des improvisateurs, avant que n’intervienne le duo des souffleurs, baryton et trompette à l’unisson…

Tommy Flanagan est l’auteur du titre d’ouverture, le percutant « Minor Mishap » qui décoiffe, Adams signe la seconde pièce « Blackout Blues », Thad Jones, membre de la célèbre fratrie, est repris ici par deux fois, sur « Zec » et « 50-21 » et Barry Harris est l’auteur de « High Step ».

Un superbe album de bop !

Pepper Adams - Critic's Choice (Full Album)

1. Minor Mishap 0:00
2. Blackout Blues 6:28
3. High Step 11:27
4. Zec 20:10
5. Alone Together 26:46
6. 50-21 32:37
7. Four Funky People 40:51
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 15 mars 2025 03:57

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John Zorn – 444 – (2023)

Au départ était « Simulacrum », un trio formé par l’organiste John Medeski, Matt Hollenberg à la guitare électrique et Kenny Grohowski à la batterie et aux percussions, de ce trio j’ai dû vous présenter « The Painted Bird », « 49 Acts Of Unspeakable Depravity In The Abominable Life And Times Of Gilles De Rais » et « Spinoza », peut-être « Baphomet », mais je ne suis pas sûr…

Mais voilà que s’ajoute un nouveau musicien du genre hyper-doué, j’ai nommé Brian Marsella au piano électrique, ce qui entraîne une nouvelle formation, celle du quatuor « Chaos Magic » que voici, avec son quatrième album.

Alors s’opère une sorte de mélange de groupe électro-jazz, avec quelques influences métal qui surgissent du néant, de temps en temps, comme sur « In Sulphur And In Flame » vraiment très décapant, nerveux et tournoyant. Les interventions de la guitare et des claviers sont assez trash et foudroyantes ! « Retort » dévoile quelques saillies de ce style également.

Mais il y a également des moments de paix et de calme, comme sur « Astral Projection » forcément spatial et aérien, avec ce je ne sais quoi de liquide, voire de vaporeux qui laisse l’esprit vagabonder et les images se former…

L’influence de Marsella va grandissante au fil des albums et, si la musique semble perdre un peu de son métal, elle gagne en « jazz rock », tendance musique de Canterbury, pourrait-on ajouter, avec des titres comme l’excellent « Civil Desobedience » ou « With Blood I Summon Thee ».

On remercie également Medeski pour ses boucles d’orgue qui tapissent l’épais manteau de couleurs psychédéliques, et la guitare d’Hollenberg qui zèbre l’espace d’éclairs électriques, quant à Grohowski c’est un métronome non sans subtilité, qui réunit finesse et efficacité, pourvu d’une technique éblouissante.

« 444 » est sans nul doute un très, très bon cru Zornien, riche d’une couleur générale finalement assez poétique, avec des mélodies qui apaisent ou ravissent, mais plus raisonnablement vous déconnecte du réel et son lot de stress pour vous faire entrevoir des paysages plus calmes et confortables… Laissez-vous emporter par l’ultime pièce, « Tayy Al-Ard » …

Splendor Solis
In Sulphur and in Flame
Retort
Astral Projection
Civil Disobedience
With Blood I Summon Thee
Salt and Mercury
Tayy al-Ard
John Zorn's Chaos Magick | '444' Studio Setup | Marc Urselli
John Zorn's Chaos Magick | '444' Album Artwork
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 16 mars 2025 05:04

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Nduduzo Makhathini – IKhambi – (2017)

Nduduzo Makhathini est un musicien Sud-Africain qui a connu son heure de gloire avec « Modes Of Communication : Letters From The Underworlds » lors de son arrivée sur Blue Note en deux mille vingt. Depuis, le succès ne s’est pas démenti avec le somptueux « In The Spirit Of Ntu », puis le dernier arrivé, « Unomkhubulwane » en deux mille vingt-quatre.

De quoi donner l’idée de creuser davantage en allant faire un petit tour dans le passé, comme avec cet album de deux mille dix-sept, « Ikhambi », gorgé de musique au point que l’on se dit que la capacité physique de stockage va exploser ! Mais il semble surdimensionné également par le nombre de participants, certes ils ne jouent pas forcément tous en même temps, possiblement une quatorzaine en moyenne, sans compter la dizaine de vocaliste qui s’ajoute au fil des titres…

Makhathini n’est pas non plus une pousse isolée dans son coin, soudainement arrivée sur Blue Note, non, il est puissamment enraciné dans la tradition jazzistique de son pays, et même culturelle en général, reconnu par tous ses pairs comme un grand, et adoubé par tous. Son arrivée sonne également comme une chance pour Blue Note, qui n’en adopte pas tant que ça, avec une telle carrure !

Il suffit d’écouter déjà la pièce d’ouverture pour s’en convaincre, le magnifique « Amathambo » véritablement éblouissant, tout y est : force et spiritualité car, je le dis à chaque fois que je présente un album de Nduduzo, il conjugue deux qualités essentielles au code du guerrier zoulou, le don pour la guérison et une grande capacité musicale, ce qu’il a hérité de son père, guitariste et chanteur, sa mère, quant à elle, l’a initié au piano et aux chants religieux, à travers les chorales d’église.

Voilà ce que dit Makhatini à propos de cet album, c’est qu’il restitue « la projection d’une énergie de guérison à travers une expérience sonore », réunissant ce qui forge son identité, et on se dit que son pouvoir doit être grand, si les dons du guérisseur sont à l’échelle de celui du musicien !

Tout au long de ces treize pièces qui se succèdent, deux suites sont constituées qui contiennent chacune trois mouvements, la première se nomme « Unthakathi » qui puise, et dans le jazz, et dans les racines, tout se mélangeant comme le firent autrefois le groupe Blue Note, et le « Brotherhood Of Breath, » les premiers à réussir cette fusion incroyable, comme elle figure sur ce troisième mouvement.

La seconde suite est « Impande », toute aussi belle, qui brille de ses percussions, de ses chants, des danses et des chœurs, de ses sections de hanches et de cuivres mélangés, ce qui n’est pas sans ressusciter curieusement l’esprit d’Ellington auquel on pense ici, même si les glissements free des solos s’en échappent pour le meilleur.

Deux passages font une part au « spoken word » ainsi qu’à la danse tribale et aux racines, avec la section des percussions très dense réunissant tablas, tambours et diverses percussions locales, de quoi invoquer la culture du passé, toujours vivante et présente dans le quotidien zoulou.

« Innocent Child » prend la forme d’une ballade jazz avec Eddie Parker qui débute avec un solo de flûte, bientôt sui vi par Makhathini et son piano, tandis que les arrangements luxuriants enrobent le tout fastueusement, comme une ballade des temps anciens sous d’autres latitudes, puis la flûte revient délivrer ses charmes, ceux de l’innocence enfantine…

File l’album qui se termine au son de « Umakhelwane », un rien coltranien qui fait du bien, rien qu’à l’écouter on se sent mieux et la forme revient, la sérénité également, comme quoi je commence à y croire sérieusement à ce maraboutage bienfaisant !

Nduduzo Makhathini - Amathambo
Ithemba - Nduduzo Makhathini
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Message par Douglas » lun. 17 mars 2025 03:36

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Max Roach – Freedom Now Suite – (1961)

La « Freedom Now Suite » fait partie, pour moi, de ces fondamentaux incontournables qui façonnent l’histoire du jazz. C’est un manifeste politique qui compte dans la longue lutte de libération du peuple noir. Je possède malheureusement la pochette alternative de la réédition de mille neuf cent quatre-vingts, année où je me suis procuré l’album, on y voit un portrait de Max Roach debout derrière ses cymbales.

La photo de l’original est plus intéressante et même intrigante, elle nous montre des étudiants à l’heure du déjeuner, lors du sit-in qui s’est déroulé à Greensboro, en Caroline du Nord, le premier février mille neuf cent soixante, faisant le lien entre ces événements et la « Freedom Now Suite ». Il est évidemment difficile d’aborder cet album sans s’intéresser au contexte. L’album contient cinq pièces, que l’on peut appeler « mouvement », qui se succèdent dans une intention historique, évoquant d’abord l’esclavage, puis le jour de l’émancipation, ainsi que la lutte pour les droits civiques et enfin l’indépendance Sud-Africaine.

Voici le nom des pièces, « Driva’ Man », « Freedom Day », « Triptych : Prayer/Protest/Peace », « All Africa » et « Tears for Johannesburg ». Pour interpréter l’œuvre, Max Roach compose et siège derrière la batterie, Abbey Lincoln est au chant, Booker Little à la trompette, Coleman Hawkins et Walter Benton aux saxs ténors, James Schenck à la contrebasse et Olatunji aux percussions. L’album est enregistré fin mille neuf cent-soixante, et sort l’année suivante sur le label « Candid », qui vécut très peu de temps mais enregistra des albums absolument essentiels.

Les textes du livret et des chants ont été écrits par Oscar Brown Jr. mais la collaboration se termina avant que ne se termine son écriture, car une querelle politique sépara les deux hommes, Max Roach étant beaucoup plus radical que Brown, on pourrait imager ça en évoquant la dualité entre Martin Luther King et Malcom X.

Les deux premières pièces gorgées de blues sont véritablement magnifiques avec une Abbey Lincoln absolument bouleversante, c’est ensuite que cela se gâte, lors du troisième morceau, « Triptych », qui contient trois parties, dont « Protestation », qui déchira encore un peu plus la complicité entre Brown et Roach. En effet une controverse se fit entre les amateurs, les critiques et même les concepteurs, ce que nous venons de constater.

La pièce, en fait, est un duo entre Lincoln et Roach pendant lequel Abbey crie avec force, assez longuement, comme si elle souffrait, ce qui, il est vrai, peut mettre l’auditeur mal à l’aise. Il est probable que ce passage ait agit comme un frein sur les ventes, à l’époque. Aujourd’hui on y voit davantage l’expression artistique d’un certain « réalisme ».

Ainsi l’œuvre fait preuve de modernité, en même que d’un enracinement dans le blues, on y entend même de l’'improvisation collective, comme à la fin de « Tears from Johannesburg », la dernière pièce de l’album, qui succède au remarquable « All Africa ». Cette seconde face est donc tournée toute entière vers l’Afrique.

Un indispensable, donc.

Driva'man (Remastered)
Freedom Day (Remastered)
Triptych: Prayer / Protest / Peace MONO (2024 Remaster)
All Africa (Remastered)
Tears For Johannesburg (Remastered)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 18 mars 2025 05:18

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Raphaël Imbert – Music Is My Hope – (2018)

Un album un poil ancien, dont j’ai envie de vous parler pour sa capacité à transcender les genres, et à plaire au public « jazz élargi », amateurs de blues, de chansons pop ou autres… Raphaël Imbert ne fait pas partie des stars du jazz français, mais c’est un excellent musicien très habile aux saxophones, à la clarinette basse et même au Wurlitzer, ainsi qu’à la voix.

Sur la pochette intérieure ils sont onze à poser, c’est dire si les moyens sont là, double livret pour vingt pages, Cd six faces, le digipak est bien épais, on sent que le label « Jazz Village » y croit, dans un sens il fait bien car l’album a été bien accueilli en son temps et sans doute s’est-il bien vendu pour un disque de jazz…

Jazz ? Certes, mas on pourrait également parler de chansons, tant les voix sont importantes sur cet album, celle de Marion Rampal, merveilleuse sur les six titres auxquels elle participe, elle les enchante et les illumine au seul son de sa voix. Raphaël a également invité sa sœur, Aurore Imbert, chanteuse également qui participe à six titres, dont quelques-uns qu’elle cosigne avec son frère, « A Letter To The Muse », « Easter Queen », elle interprète également la reprise de « The Circle Game » signée par Joni Mitchell, bien que là, on quitte clairement la vibration jazz.

Il y a également le chanteur Manu Barthélémy qui reprend le traditionnel « Vaqui Lo Polit Mes De Mai », un chant populaire provençal, qui ajoute une nouvelle couleur a un album qui n’en manque pas, comme le titre d’ouverture, très percutant, « Peat Bog Soldiers » qui se range parmi les « Protest songs » antifascistes, ou encore « Didn’t My Lord Deliver Daniel » un spiritual émancipateur, dans la tradition, ou même un blues très réussi « Blue Prelude », que chantait Nina Simone, et la ballade folk « Eastern Queen » sauvée par le bel accompagnement à la guitare.

Il faut attendre un peu pour entendre le son de la clarinette basse, qui fait toujours plaisir, sur « Here’s A Song » Marion Rampal y chante, elle a écrit les paroles et Raphaël la musique. Elle se montre également très investie sur « Show Boat To Delphi ».

Il faut également souligner la participation du bluesman Big Ron Hunter sur la dernière pièce de l’album, « Play Your Cards Right ». Pour être complet il faut également parler de Paul Robeson dont on entend la voix grave dès le titre d’ouverture, lisant le monologue d'Othello de Shakespeare. Il sert de fil rouge à l’album qui lui est dédié.

Un album aux mille facettes qui n’ennuie pas, se ressourçant de pièce en pièce, comme un caméléon qui change d’aspect, s’en va et revient, avec le blues et le jazz en toile de fond, et des chansons également, qui font plaisir.

Juste un petit mot sur la pochette qui est une photo de l’atelier du grand-père de Raphaël, qui était peintre, et dont on voit quelques œuvres ici. L’amateur de jazz reconnaîtra, dans le coin en bas à gauche, à côté du trou du cul du chat, un empilement de disques où l’on discerne quelques albums d’Albert Ayler !

Peat Bog Soldiers
Blue Prelude
Here's a Song
Show Boat to Delphi
Vaqui Lo Polit Mes De Mai
Play Your Cards Right
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 19 mars 2025 05:19

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Blood & Burger - Guitar Music – (2003)

« Blood » c’est bien sûr James Blood Ulmer, et « Burger » celui qui se prénomme Rodolphe et qui lead Kat Onoma, quant au « Meteor Band » qui complète la liste des participants ce sont Madéo à la basse et au chant, ainsi qu’Arnaud Dieterlen, le batteur. L’album a été enregistré aux « Voûtes » et au New Morning, en juin deux mille deux, l’album, quant à lui est paru en janvier deux mille trois.

Je me le suis procuré car je suis assez fan des deux têtes d’affiche, je les suis d’assez près, l’un et l’autre, alors la question qui se pose est celle de la fusion entre ces deux-là, apparemment pas forcément évidente, bien que, d’évidence il y a la guitare qui les réunit, peut-être aussi, une certaine conception du blues.

La rencontre est évidemment assez excitante, cinq pièces sont signées James Blood Ulmer, cinq Rodolphe Burger, dont « Huit Couché » qu’il signe en compagnie de Thomas Lago, et « Unlimited Mariage » avec E. Savitzkaya. Il y a également une reprise des Stones, « Play With Fire ».

Alors, il apparaît clairement que, via les performances vocales de l’un ou l’autre, on navigue dans des eaux différentes, avec des atmosphères calibrées pour l’un ou pour l’autre, tant les voix sont dissemblables, éraillée et rugueuse pour l’une, ou storytelling pour l’autre. Reste les guitares qui permettent que le même feeling se déverse un peu partout, des guitares roots et bluesy, carrément bonnes et accrocheuses, qui font le job et font en sorte que tout colle…

Le miracle est là, et beaucoup se passe dans cette fusion réussie, les titres lancinants ou allumées font la jonction avec ceux qui groovent dans la boue et les racines, terre et air se rencontrent et les échanges gazeux se font, entre humus et rosée…

De bons titres comme « House People » qui ouvre salement l’album, le saignant « Cheering » ou la version très décalée de « Play With Fire », et puis le blues de Blood avec le très bon « Let Me Take You Home » qui fait plaisir ou la reprise du fameux « Are You Glad to be In America ? »

Burger glisse sur le « Huit Couché » ou sur « Unlimited Marriage » tellement Burgerien, et pourtant déjà si bien rougi à la guitare de Blood, que l’on se dit que tout va bien, et que chacun ajoute à l’autre sans rien perdre de sa « patte », ni de sa personnalité, « High Tech » qui termine le voyage est une belle conclusion instrumentale qui résume bien les choses…

Blues allnight
Play with fire
Unlimited marriage
Huit couché
House people
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 20 mars 2025 05:02

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Grant Green – Green Street – (1961)

Voici le second album de Grant Green, enregistré le premier avril soixante et un par Rudy Van Gelder, sous la supervision d’Alfred Lion et de Francis Wolff, avec une pochette conçue par Reid Miles, bref de l’historique certifié pur jus !

Sans vouloir vexer personne Grant Green, en cette période, n’est peut-être pas l’égal de Wes Montgomery ou même d’un Kenny Burrell, mais déjà il performe particulièrement lors des solos et fait preuve d’imagination et de créativité.

Malheureusement il n’est accompagné que par Ben Tucker à la contrebasse et Dave Bailey à la batterie, on se dit que la présence d’un piano ou d’un orgue aurait pu dynamiter un peu tout ça et enrichir le son, particulièrement pour le côté gauche, un peu délaissé.

Mais ne boudons pas notre plaisir, car peut-être recherchait-il l’épure, la sobriété ou même l’essentiel, dépourvu de l’accessoire et revêtu avec simplicité, sans esbroufe et sans fard. Il aime jouer en solo et n’a guère de goût pour la guitare rythmique qu’il utilise plus rarement. Ce qui le différencie et le distingue même, ce qu’il aime vraiment, c’est l’impro, il y brille avec grandeur et classe !

Il faut dire qu’à cette période son étoile brille et la demande du public est forte, il jouit d’une notoriété, certes naissante, mais pleine de promesses, qui va encourager Blue Note à investir sur le guitariste. Son premier album, « Grant's First Stand » en compagnie de l’organiste « Baby Face Willette » a reçu un bel accueil.

Les cinq pièces de l’album demeurent intéressantes, particulièrement quand elles virent en « jam » et se nourrissent de musique spontanée, il est difficile de retenir un titre plus qu’un autre, ils tournent tous autour des sept minutes, ce qui indique clairement le choix de l’ouverture vers les impros endiablées, les deux rythmiciens sont particulièrement habiles à suivre le soliste qui se régale, mais on trouve également quelques solos de basse souvent sympathiques et toujours bienvenus.

De ces classiques qui sont bons à réécouter de temps à autre, à noter que trois pièces sont à mettre au compte du guitariste, le titre d’ouverture, « No.1 Green Street » et « Grant’s Dimensions » ainsi que « Green With Envy », il y a également une reprise du « ‘Round About Midnight » de Monk ainsi qu’une version du standard « Alone Together ».

Sur mon album il y a deux versions alternatives qui sont intéressantes par leur différence avec la version définitive, sincèrement, elles ne semblent pas moins bonnes que celle qui fut élue, en effet difficile de choisir lors de la mise en boîte.

No. 1 Green Street
'Round About Midnight
Grant's Dimensions
Grant Green - Green With Envy
Alone Together
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