J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 8 janv. 2025 04:26

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Jackie McLean – Bluesnik – (1962)

Voici la septième session d’enregistrement effectuée pour Blue Note par le fameux saxophoniste Jackie McLean. Commençons par l’anecdote concernant la prise de vue, le petit rectangle en haut, à droite de la pochette. On y voit l’altiste attablé à un bar, côté terrasse, mais plus sûrement sur le trottoir.

On distingue une 4CV Renault garée pas très loin et une inscription vers le haut « Buffet Froid ». Oui, nous sommes bien à Paris, où McLean jouait en soixante et un, au club « Le chat qui pêche », rue de la Huchette, quartier Saint-Michel. Ce petit bout de vie coincé dans ce coin de pochette en dit beaucoup et fait bien plaisir…

Un disque de blues, du vrai, ou apparenté, avec le hard-bop en toile de fond qui coiffe le tout. Un album carré et précis fait pour tout le monde, d’ailleurs il parle à tous et se montre accessible comme un solide Art Blackey.

McLean aligne les gardiens du temple, le jeune trompettiste Freddie Hubbard, le bassiste Doug Watkins, l’excellent pianiste Kenny Drew et le très recherché batteur Pete La Roca. Que des pointures, et c’est parti pour six titres passés au filtre du bleu. Les deux premiers sont signés par l’altiste, l’album titre ainsi que « Goin’ Way Blues », « Blues Function » par Freddie Hubbard et les trois restants par le pianiste Kenny Drew.

Ça tourne parfaitement rond ce huit janvier soixante et un dans les Studios de Rudy Van Gelder, encore une page vite tournée et parfaitement réalisée, semble-t-il dans la décontraction et la maîtrise la plus totale, on appréciera le son droit et direct du sax alto, qui se double de ces mêmes qualités que l’on retrouve dans le jeu de Freddie, qui aime lui aussi une certaine rectitude déclamatoire.

C’est probablement le choix du blues qui canalise cet album et nous présente un quintet assuré et plutôt sage, on sait qu’il est arrivé à McLean de prendre davantage de risques par ailleurs, ce qui, évidemment, n’est pas pour déplaire, mais il faut également savoir de temps en temps appuyer sur les boutons « pause » et « plaisir », après tout le résultat est fort réussi et vous fera probablement taper du pied, happés par cette section rythmique de haute volée.

Bluesnik
Drew's Blues
Blues Function
Goin' 'way Blues - Jackie McLean
Modifié en dernier par Douglas le jeu. 9 janv. 2025 05:18, modifié 1 fois.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 9 janv. 2025 05:11

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Bill Evans - Jim Hall – Undercurrent – (1962)

Voici un classique du jazz et, sans doute même, cet album pourrait-il être qualifié de chef d’œuvre. On pourra cependant regretter sa brièveté, il file tellement vite, et en même temps tellement haut, qu’il suspend son vol tout là-haut et nous laisse ici-bas, pantois…

La pochette déjà surprend, en cette année soixante-deux, aucune inscription, ni titre, ni nom de musicien, simplement une mystérieuse photographie en noir et blanc qui attire immédiatement le regard. Disposez-la sur un mur au milieu de cinquante, elle conservera sa fonction hypnotique et attirera l’œil avec force…

La magie d’une femme flottante, habillée dans une robe légère, blanche, qui se découpe sur la masse sombre de l’eau. Elle semble suspendue sous la ligne d’eau, le visage caché, par la nécessité de respirer, bras tendus et jambes figées dans leur mouvement.

Viennent les vers de Rimbaud :

« Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir ;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
»

Cet album est le rare mariage réussi entre deux instruments harmoniques, rien ne se dispute et tout se complète comme un, juste tendre l’oreille et déjà tomber dans le ravissement.

Bill Evans vient de perdre son fidèle contrebassiste, Scott La Faro, dans un accident de voiture, à qui songe-t-il en enregistrant ces faces ?

Jim Hall est lui aussi tout simplement merveilleux, en fraternité complète envers le pianiste, l’un s’effaçant pour faire place à l’autre et le soutenant comme pourrait le faire le plus subtil des batteurs, ou le plus chaud des contrebassistes…

Ils sont quatre, ils sont trois, puis deux et finalement un, ce disque s’écoute avec le cœur…

Chaque pièce est une merveille, mais on peut pencher d’un côté ou de l’autre, l’extraordinaire « My Funny Valentine » dévoile déjà beaucoup, l’incroyable « Romain » étonne encore, ou le rêveur « I Hear A Rapsody », ou encore le tendre « Skating In Central Park ». La dernière pièce « Darn That Dream » clos les bans et laisse sans voix, et on repense au mélodique « Dream Gypsy », où que l’on regarde ne se trouve qu’une fragile beauté…

La pureté cristalline du son est recherchée sur un album comme celui-ci, on compte plus de cent quarante rééditions et chacune fait l’objet de commentaires, l’original fit longtemps sa loi, ce qui en fit un objet cher.

Mais le temps passant et la technologie évoluant, la version « Pure Pleasure » de deux mille douze, remasterisée ouvre la suite de magnifiques rééditions, pour un album de simplement une demi-heure… Mais il est des moments où la durée s’efface devant la masse, car ici passe des notes qui valent bien une demi tonne…

My Funny Valentine
Romain
I Hear A Rhapsody
Darn That Dream
Bill Evans and Jim Hall Duo - Dream Gypsy
Skating In Central Park
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » jeu. 9 janv. 2025 20:44

Bizarrement je n'ai jamais été un grand fan de Bill Evans. Ni de Monk d'ailleurs.
C'est grave docteur ?
:)




Allez un peu de Jazz new-yorkais par une japonaise.
C'est sorti en juillet dernier sur 577 Records, un des nouveaux labels phares du Jazz aventureux.

En fait, c'est un quintet ici et les guitares savent se faire également entendre.

j'aime beaucoup

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 10 janv. 2025 03:13

Piranha a écrit :
jeu. 9 janv. 2025 20:44
Bizarrement je n'ai jamais été un grand fan de Bill Evans. Ni de Monk d'ailleurs.
C'est grave docteur ?
:)




Allez un peu de Jazz new-yorkais par une japonaise.
C'est sorti en juillet dernier sur 577 Records, un des nouveaux labels phares du Jazz aventureux.

En fait, c'est un quintet ici et les guitares savent se faire également entendre.

j'aime beaucoup
Merci pour cette belle découverte!

Côté Monk, comme le dit le bon sens populaire: "les goûts et les couleurs..."

mais c'est aussi assez souvent un investissement personnel que l'on consent... ou pas!

Perso, tout en connaissant l'importance de Bill Evans pour la musique de jazz, vu qu'on lui attribue la paternité de l'introduction de la musique modale dans le jazz lors de sa participation dans le célébrissime "Kind Of Blue" de Miles Davis en cinquante-neuf, ce qui évidemment n'est pas rien...

Je l'ai écouté et assez souvent "snobé" également, ne m'y arrêtant qu'épisodiquement...

Il partage avec Chet Baker un goût immodéré pour les "Paradis Artificiels" et c'était un sacré camé.

Les vidéos où il joue sont souvent impressionnantes, il se montre "cassé" au-dessus de son clavier concentré à fond sur ce qu'il joue...

“My Foolish Heart”
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 10 janv. 2025 03:35

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Sonny Simmons – Cheshire Cat Club + Olympia 1980 – (2006)

Sonny Simmons est un musicien que j’aime beaucoup et que j’ai essayé de suivre d’assez près. Il est en effet un des rares à posséder une corde à son arc, qui fait de lui un musicien presque unique, avec Vinny Golia, qui partage ce même intérêt pour le « cor anglais », un instrument dérivé du hautbois.

Sa sonorité chaude et sensuelle me plaît beaucoup, pour autant il joue également du saxophone alto, comme ici, c’est d’ailleurs avec cet instrument qu’il connut ses heures de gloire. Pour autant sa vie artistique est faite de hauts et de bas, et cette année quatre-vingts, le dévoile au milieu d’une période creuse, quasi vide, qui s’étalera jusqu’en quatre-vingt-dix, décennie à partir de laquelle il renouera avec un certain succès et une nouvelle reconnaissance, grâce aux albums « Ancient Ritual » et « American Jungle ».

Cet album est donc un témoignage rare dans cette période difficile, Sonny quitte la baie de San Francisco et suit son épouse Barbara Donald vers la ville d’Olympia, dans l’état de Washington, dans la « West Coast », tout là-haut à gauche de la carte, où il passera environ un mois et demi, le temps de quelques concerts. Ce sont précisément ceux que l’on peut entendre sur ce rare double Cd, paru en deux mille six, en France, sur le label « Hello World! ». Sur Discogs il est noté qu’il n’existe que quatre-vingt-cinq exemplaires de ce pressage sorti au format Cdr.

Le premier album nous présente un Sonny Simmons complètement débridé, jouant un long solo de sax alto, accompagné par un batteur de ses amis, Irvin Lavilette, et un percussionniste inconnu, ou plutôt identifié sous le nom de « Max », un Afro américain habitant d’Olympia, qui a sympathisé avec l’altiste.

La performance s’étale pendant plus de quarante-trois minutes et Sonny ne s’économise pas, la batterie, les congas et même les cloches assurent un tapis rythmique formidable, et même épatant, qui permettent à Sonny de s’envoler haut, même si le public semble très restreint. C’est sans doute également ce que signifie l’ironie du titre de la pièce, « It’s the Talk of the Town » …

Le second album a été enregistré huit mois plus tard au « Cheshire Cat Club », Sonny est accompagné par un trio, composé par Richard Clements au piano, Freddie Williams à la contrebasse et Larry Hancock à la batterie. Deux pièces sont présentées, « Lost Village of Um’Tombey », signée Simmons, ouvre le set pendant vingt-deux minutes, la prise de son est un peu éloignés et distante, la longue introduction permet à l’oreille de s’habituer aux conditions de captation, c’est-à-dire une simple cassette, placée au milieu du public, mais les enregistrements de cette période sont tellement rares que l’on crie « merci » encore !

Car la performance est de qualité, si l’on fait l’effort on est bien embarqué, et l’ambiance est cette fois-ci torride, votre voisin du public est bien chaud également et ses cris sont enthousiastes. La section rythmique est de qualité et les solistes sont bons, ce qui ne gâche rien, même si on attend plus particulièrement Sonny au solo !

Le second Cd s’achève avec une version de « Body and Soul » tout à fait remarquable, grâce à la générosité de Sonny Simmons qui se livre à nouveau à fond, sans jamais appuyer sur le bouton « off », généreux et capable du don de soi, propre à cette génération de saxophonistes, que l’on pense à Coltrane, Ayler ou Shepp, par exemple.

Un lien mp3 de téléchargement valable trois jours, pour faire connaissance:

Sonny Simmons [1] Cheshire Cat Club + Olympia 1980

Sonny Simmons [2] Live At The Cheshire Cat

Lien de téléchargement
https://we.tl/t-LEoqfUYDYF
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 11 janv. 2025 03:55

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Cecil Taylor Unit – Live At Fat Tuesday's, February 9, 1980 • First Visit – (2024)

En dignes continuateurs du label Hat Hut, « Ezz-thetics » ouvrent une nouvelle collection appelée « First Visit ». Elle consiste à faire paraître, comme ici, des enregistrements historiques et inédits, particulièrement des concerts. On la reconnait au premier coup d’œil avec son lettrage bleu ciel, elle renoue également avec les plus anciens « Hat Hut » qui contenaient à l’intérieur une emblématique carte postale, elle est ici glissée dans un des volets du Cd. C’est le premier volume de cette série qui en contient déjà sept.

Les amateurs véritables du pianiste pourront difficilement se passer de cet « Unit », il faut déjà signaler le remarquable travail préparatoire sur la qualité du son, c’est du haut vol. Côté forces en présence, c’est également incontournable, avec la présence de l’accompagnateur historique de Cecil Taylor, le fabuleux Jimmy Lyons à son meilleur, le saxophone alto situé toujours sur cette fragile ligne blanche qui partage le bop et le free, il sait y surfer mieux que personne.

Il y a également un violoniste, ce qui n’est pas coutumier aux côtés de Cecil Taylor, Ramsey Ameen joue sa partie avec talent. Côté rythmique c’est fabuleux, avec un énorme Alan Silva à la contrebasse et au violoncelle, et deux batteurs historiques, Sunny Murray lui-même, ainsi que Jérôme Cooper qui joue également du balafon africain.

L’enregistrement s’est déroulé le neuf février mille neuf cent quatre-vingts, cette date devenant le titre de chacune des trois pièces, suivie par les nombres un, deux ou trois. Comme à l’habitude avec Cecil Taylor, tout est chaud et brûlant, exagérément, jusqu’à l’outrance. L’énergie seule compte et se déploie sur tout le clavier, avec tout le corps en mouvement, les doigts-marteaux frappants et martelant, poignets, coudes et bras participent à l’abattage, c’est fou, hyper dynamique, engagé totalement, la magie de Cecil sème la torpeur et, pour certains, la désolation, mais pour d’autres la jouissance jubilatoire…

On est bien au chaud là, avec une prestation de la bonne époque, qu’emballent, tirent ou suivent ses compères de scène, embarqués dans une course folle, qui ne cessera que par faute de carburant, quand le corps, après avoir tout donné, s’avère las et fatigué… Déjà dix-neuf années qu’ils collaborent Jimmy Lyons et Cecil, ils se devinent et se sentent, sans même se regarder, la musique les réunit et les renseigne mieux que tout…

Mais tout file comme une seule pièce ici, énorme et d’une grande beauté, c’est sûr que cette série ne pouvait mieux commencer qu’avec un tel enregistrement, véritablement hors normes, du free jazz total, juste sublime !

Repassez-vous ensuite, « Nefertiti, The Beautiful One Has Come », ou les trois de « Nuits De La Fondation Maeght » ou encore « One Too Salty Swift and Not Goodbye », histoire de faire durer les bonnes sensations.

February 9, 1980 I
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 12 janv. 2025 03:29

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Chet Baker – Memories - Chet Baker In Tokyo – (1995)

Cet enregistrement à Tokyo, en concert au « Hitomi-Kine-Kodo », le quatorze juin mille neuf cent quatre-vingt-sept, c’est-à-dire environ un an avant son départ définitif, est souvent considéré comme une de ses plus puissantes performances musicales en enregistrement live. A l’origine il est paru sur deux vinyles, « Memories » en quatre-vingt-huit et « Four » en quatre-vingt-neuf.

Comme déjà indiqué précédemment la qualité des enregistrements tient beaucoup à son environnement musical immédiat, ici il est accompagné comme un prince par Harold Danko au piano, Hein Van Der Geyn à la contrebasse et John Engels à la batterie, ils forment ensemble un quartet absolument extraordinaire.

Mais il faut également souligner la pureté cristalline de la prise de son, vraiment bluffante, digne de la réputation nippone. On pourrait également ajouter un autre atout offert par ce concert, et gravé sur ce double Cd, c’est le nombre inhabituel de titres chantés, quatre au total, comme « Almost Blue », le titre écrit pour lui par Elvis Costello qui, véritablement, arrache le cœur.

Il y a également « My Funny Valentine », « I'm A Fool To Want You » ainsi que « For All We Know », les amateurs du Chet chanteur seront donc comblés, quant au Chet trompettiste il régale merveilleusement tout du long sur cet album, les sommets s’enchaînent sans sembler vouloir s’épuiser.

Le jeu de Chet est à la fois doux et léger, sûr et dynamique. Chet n’est jamais meilleur que lorsqu’il se sent écouté et respecté en tant qu’artiste, dans certains moments la tension est palpable tant la concentration est intense, le relâchement qui en découle naturellement est également riche en créativité et propice à la sérénité.

Mais il faut aussitôt ajouter que ces concerts nippons sont également particuliers car, on le sait, Chet est un toxicomane invétéré et la législation sur les drogues est sévère au Japon, ainsi il se raconte que Chet s’est converti à la méthadone pendant toute la tournée, ce qui lui permet d’affronter tous ses démons et d’être au meilleur de sa forme pendant cette période.

Les planètes sont ainsi alignées pour autoriser ce miraculeux enregistrement, que certains n’hésitent pas à qualifier de « meilleur concert de Chet Baker de tous les temps ». Il faut bien admettre que c’est bien possible et que, s’il y a des miracles un peu partout dans la discographie de Chet, ici ils se succèdent les uns aux autres, sans que rien ne faiblisse ni ne pâlisse, à aucun moment…

Chet Baker (Live In Tokyo) - 06 Almost Blue
Chet Baker ‎- Chet Baker In Tokyo - 05 My Funny Valentine
CHET BAKER - MEMORIES IN TOKYO - Stella By Starlight 1988
Chet Baker ‎- Chet Baker In Tokyo - 02 For Minors Only
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 14 janv. 2025 05:24

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Noah Howard – At Judson Hall – (1968)

Voici un album pur jus de free issu du label mythique ESP. Un enregistrement effectué au « Judson Hall », le lieu donnera son titre à l’album, c’était le dix-neuf octobre soixante-six, à New-York donc. La photo de pochette renseigne sur les musiciens.

Au premier plan à gauche, c’est le pianiste Dave Burrell, à droite le leader de la session, Noah Howard, il joue du saxophone alto. A l’arrière, au fond à gauche se tient le contrebassiste Norris Jones qui sera davantage connu sous le nom de « Sirone », il discute avec le batteur Bobby Kapp, spécialiste des sessions free. Entre Kapp et Howard se trouve le trompettiste anglais, Ric Colbeck, qui sera oublié. Pour être complet, il manque Catherine Norris, qui joue du violoncelle.

Deux pièces sont jouées sur ce mythique album, « This Place Called Earth », et « Homage To Coltrane », une par face. L’histoire du jazz ne gardera de cette période free que quelques noms principaux qui semblent squatter à eux seuls le genre : Coltrane, Ayler, Coleman, Sanders et disons Shepp qui se tient aujourd’hui encore vaillant. On pourrait ajouter Don Cherry, Charlie Haden ou Steve Lacy, mais pas loin derrière se tiennent quelques oubliés comme Noah Howard qui pourtant produit de beaux albums, ou Sonny Simmons avec lequel il joua.

Cet album fait partie pourtant de la légende free, même si l’oubli le guette. Par bonheur il a bénéficié d’une réédition assez récente sur le label « Ezz-thetics » sous le nom de « Noah Howard – Quartet To At Judson Hall » qui regroupe les deux albums de Noah Howard sur ESP, de quoi faire d’une pierre deux coups, à petit prix.

Il faut dire que pour les amateurs de free de cette époque, l’album est somptueux, très écoutable même, bien qu’il ne manque ni de souffle, ni d’énergie. Particulièrement l’hommage à Coltrane qui s’avère une magnifique épopée, avec une montée grandiose qui s’achève en apothéose à la fin de la pièce, où l’on entend Ric Colbeck notamment se déchaîner avec sa trompette.

De ces grands moments que seul le free peut proposer car il permet les excès et les outrances, le dépassement des normes généralement admises, autant d’effets sonores que l’on entend sur cet album, ils sont tous au taquet et se livrent sans compter, Burrell et Howard ne sont pas les derniers à participer à cette orgie tonitruante.

La première pièce est également chouette, même si elle ne s’inscrit pas dans un registre aussi extrême, elle tient bien la route et s’avère très agréable à l’écoute…

Noah Howard - This Place Called Earth
Noah Howard - Homage To Coltrane
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Silence » mar. 14 janv. 2025 18:45

Douglas a écrit :
dim. 12 janv. 2025 03:29
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Chet Baker – Memories - Chet Baker In Tokyo – (1995)

Cet enregistrement à Tokyo, en concert au « Hitomi-Kine-Kodo », le quatorze juin mille neuf cent quatre-vingt-sept, c’est-à-dire environ un an avant son départ définitif, est souvent considéré comme une de ses plus puissantes performances musicales en enregistrement live. A l’origine il est paru sur deux vinyles, « Memories » en quatre-vingt-huit et « Four » en quatre-vingt-neuf.

Comme déjà indiqué précédemment la qualité des enregistrements tient beaucoup à son environnement musical immédiat, ici il est accompagné comme un prince par Harold Danko au piano, Hein Van Der Geyn à la contrebasse et John Engels à la batterie, ils forment ensemble un quartet absolument extraordinaire.

Mais il faut également souligner la pureté cristalline de la prise de son, vraiment bluffante, digne de la réputation nippone. On pourrait également ajouter un autre atout offert par ce concert, et gravé sur ce double Cd, c’est le nombre inhabituel de titres chantés, quatre au total, comme « Almost Blue », le titre écrit pour lui par Elvis Costello qui, véritablement, arrache le cœur.

Il y a également « My Funny Valentine », « I'm A Fool To Want You » ainsi que « For All We Know », les amateurs du Chet chanteur seront donc comblés, quant au Chet trompettiste il régale merveilleusement tout du long sur cet album, les sommets s’enchaînent sans sembler vouloir s’épuiser.

Le jeu de Chet est à la fois doux et léger, sûr et dynamique. Chet n’est jamais meilleur que lorsqu’il se sent écouté et respecté en tant qu’artiste, dans certains moments la tension est palpable tant la concentration est intense, le relâchement qui en découle naturellement est également riche en créativité et propice à la sérénité.

Mais il faut aussitôt ajouter que ces concerts nippons sont également particuliers car, on le sait, Chet est un toxicomane invétéré et la législation sur les drogues est sévère au Japon, ainsi il se raconte que Chet s’est converti à la méthadone pendant toute la tournée, ce qui lui permet d’affronter tous ses démons et d’être au meilleur de sa forme pendant cette période.

Les planètes sont ainsi alignées pour autoriser ce miraculeux enregistrement, que certains n’hésitent pas à qualifier de « meilleur concert de Chet Baker de tous les temps ». Il faut bien admettre que c’est bien possible et que, s’il y a des miracles un peu partout dans la discographie de Chet, ici ils se succèdent les uns aux autres, sans que rien ne faiblisse ni ne pâlisse, à aucun moment…

Chet Baker (Live In Tokyo) - 06 Almost Blue
Chet Baker ‎- Chet Baker In Tokyo - 05 My Funny Valentine
CHET BAKER - MEMORIES IN TOKYO - Stella By Starlight 1988
Chet Baker ‎- Chet Baker In Tokyo - 02 For Minors Only

Ooooh j'aime beaucoup Chet Baker et voilà une chronique qui me fait bien envie !
"Plus on pédale moins vite, moins on avance plus vite"

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 15 janv. 2025 04:38

Silence a écrit :
mar. 14 janv. 2025 18:45

Ooooh j'aime beaucoup Chet Baker et voilà une chronique qui me fait bien envie !
Sympa d'être passé!

Oui, c'est un des meilleurs, mais il y en a d'autres...

"The Touch of your Lips, Chet’s Choice (présenté un peu avant), Diane, le "Chet" de 59, "Broken Wing", celui de Milan et ceux de Paris, et d'autres encore, avec Rachel Gould par exemple...
Pour moi également il fait partie des grands...

Voici "Almost Blue" version studio...



Almost doing things we used to do
There's a girl here and she's almost you
Almost all the things that your eyes once promised
I see in hers too
Now your eyes are red from crying
Almost blue
Flirting with this disaster became me
It named me as the fool who only aimed to be
Almost blue
It's almost touching it will almost do
There's a part of me that's always true...always
Not all good things come to an end now it is only a chosen few
I've seen such an unhappy couple
ALMOST Me/You/Blue
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 15 janv. 2025 04:52

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Elmo Hope Sextet – Informal Jazz – (1956)

Voici un album signé par le pianiste Elmo Hope sur le fameux label « Prestige Records », qui succède au label « New jazz » à partir de mille neuf cent quarante-neuf, bien que ce soit toujours le producteur Bob Weinstock qui siège aux manettes. Ce label, en parallèle à Blue Note, a signé de prestigieux musiciens comme Gene Ammons, Sonny Stitt, Miles Davis, Sonny Rollins, Eric Dolphy, Thelonious Monk, le Modern Jazz Quartet ou bien sur John Coltrane, pour n’en citer que quelques-uns.

Outre Elmo Hope, figure ici Donald Byrd à la trompette, Hank Mobley et John Coltrane au saxophone ténor, Paul Chambers à la contrebasse et Philly Joe Jones à la batterie. L’enregistrement s’est déroulé à Hackensack dans le New Jersey, sous la supervision du maître des lieux, Rudy Van Gelder lui-même.

Nous sommes en octobre mille neuf cent cinquante-six, et cette session bop est comparable à beaucoup d’autres, si ce n’est la présence de musiciens de renom, Coltrane ne représente encore qu’un jeune musicien extraordinairement doué, mais il n’est qu’un parmi les autres, même s’il a déjà gagné le respect des anciens qui le considèrent avec bienveillance.

C’est ici probablement le premier album auquel Coltrane participe pour Prestige. Quatre titres sont joués, dont « Weejah » et « On It » signés par le pianiste, les deux autres sont des reprises, « Polka Dots And Moonbeams » et « Avalon ».

A l’heure des saxophones, les deux premiers chorus sur « Weejah » sont joués par le vénérable Hank Mobley, avec sa sonorité chaude et veloutée, et les deux autres par Coltrane qui déjà choisit la complexité et la modernité. Ces faces contiennent en filigrane ce qui sera l’avenir du jazz, sans que personne ne s’en rende véritablement compte, il est évidemment aisé aujourd’hui de tenir un tel discours. On imagine qu’alors l’attention se portait sur la parenté parkerienne de ce titre, hérité en droite ligne de l’altiste.

Cette session bop est extrêmement agréable et met en valeurs de grands musiciens, c’était il y a près de soixante-dix ans, le temps d’une vie…

Weeja
On It (Informal Jazz)
Polka Dots and Moonbeams - Elmo Hope Sextet
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 16 janv. 2025 03:19

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John Coltrane / Hank Mobley / Zoot Sims / Al Cohn – Tenor Conclave – (1956)

Je continue l’exploration du label « Prestige » avec ce remarquable album enregistré lors de la session du sept septembre cinquante-six qui réunit quatre saxophonistes de premier plan, tels qu’ils figurent sur la pochette. Les lettrages d’origine présentent les quatre gaillards à égalité, mais le temps faisant son œuvre, John Coltrane vit soudain son nom écrit en gros caractères rouges lors de la réédition de soixante-deux, tandis que les trois autres furent réduits à la portion congrue, signe des temps…

Pourtant Coltrane n’y était pour rien, la décision en revient aux marchands, rien ne change, et surtout pas la musique qui elle, garde sa fraîcheur. Il s’agit d’une jam-session réunissant des saxophonistes de la même génération, non pas pour une confrontation, mais bien pour un échange, même si une certaine rivalité pouvait en exciter quelques-uns…

Quatre pièces sont jouées, dont deux signées par Hank Mobley, le premier titre, « Bob’s Boy » et le troisième « Tenor Conclave », les deux autres sont des airs à la mode, « Just You, Just Me » et le standard « How Deep Is The Ocean ». Il faut encore revenir vers les rééditions diverses qui verront l’ordre des pièces bousculé.

Il y a également une des meilleures rythmiques du moment avec le pianiste en vogue Red Garland, le contrebassiste Paul Chambers et le batteur Art Taylor. Les musiciens sont tous des boppeurs, même si les deux « blancs » sont le plus souvent rattachés à l’école du « Cool Jazz », on le voit, les étiquettes volent avec plaisir et chacun ici est à sa place.

L’ordre et la durée des solos sont établis avec équité, chacun utilisant des créneaux de trente-deux mesures ou parfois seize, attribués dans les structures, de la même façon les chorus sont soumis à la justesse du partage, ainsi tout fonctionne bien et chacun est à sa place, aux côtés de ses voisins.
C’est là l’esprit du jazz, à charge de l’auditeur de repérer qui joue quoi et quand. La durée des pièces varie entre un peu plus de huit minutes, jusqu’à quinze, durée de la seule ballade de l’album « How Deep Is The Ocean », que je vous recommande.

Cette pièce est majestueuse, Al Cohn ouvre le ban des solos et prend en charge l’introduction, suivi par le pianiste, Red Garland, puis c’est au tour de Zoot Sims avec ce son si chaud et si suave, ensuite Paul Chambers intervient à son tour avec son archet, préparant la voie à Coltrane dont le son profond est déjà remarquable et le place direct parmi les grands. C’est donc Hank Mobley qui conclura l’affaire, on rencontre dans nombre d’albums sur Prestige la ballade qui tue et qui déchire comme il faut, à l’image de cette pièce…

Un sympathique conclave pas trop ecclésiastique, qui contient en son sein celui qui deviendra, d’une certaine façon, le « pape du jazz », bon, d’évidence il ne s’agit pas d'Hugues Panassié !

Hank Mobley / Al Cohn / John Coltrane / Zoot Sims – Tenor Conclave
Cohn, Sims, Mobley and Coltrane - BOB'S BOYS
Hank Mobley Al Cohn Zoot Sims John Coltrane - How Deep Is the Ocean
Cohn, Sims, Mobley and Coltrane - JUST YOU, JUST ME
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 17 janv. 2025 03:24

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John Coltrane – Coltrane – (1957)

Le sommet artistique du label « Prestige » est à son apogée lorsque le jeune saxophoniste John Coltrane s’y installe pour une période relativement courte, mais incroyablement prolifique, entre l’enregistrement de sa première session en tant que leader, avec cet album « Coltrane » enregistré le trente et un mai mille neuf cent cinquante-sept, et son ultime session qui se termina le lendemain de Noël mille neuf cent cinquante-huit. Soit un total de dix-neuf mois…

Pourtant, durant cette brève période il enregistra une douzaine d’albums en tant que leader et participa à de nombreux enregistrements concernant les autres musiciens du label « Prestige », comme ceux présents sur cet album et les deux présentés au-dessus.

Ainsi on peut entendre sur ce premier essai Mal Waldron ou Red Garland au piano, Sahib Shihab au sax baryton que l’on entend sur le canal droit dès le dynamique « Bakai » qui ouvre l’album. Il y a également le trompettiste Johnny Splawn sur trois pièces, l’incontournable Paul Chambers à la contrebasse et le fameux Albert Heath à la batterie.

La seconde pièce « Violets for Your Furs » est la première des deux ballades qui se tiennent sur l’album, prétexte à un long développement de Coltrane qui le singularise en cette période. En effet l’une des particularités de Coltrane qui se manifestait dès cette époque, était son goût pour les longs solos qui dépassaient ce qui se faisait habituellement. Cette petite révolution ne fit que s’accentuer et sera une des marques de ce fabuleux musicien.

Pour autant ce premier essai pour prestige se tient relativement sage et nous montre un saxophoniste déjà en pleine possession de ses moyens, capable de faire face aux situations, même s’il est réputé se perfectionner sans cesse, un autre trait saillant de la personnalité de ce musicien.

Pour autant le cadre est ici plutôt « hard bop », avec des titres comme « Time Was » ou « Straight Street » plutôt conventionnels, si ce n’est la présence de Sahib Shihab qui colorise savoureusement l’album lors de chorus plaisant à entendre, son âpreté contrastant avec la douceur du son coltranien.

« While My Lady Sleeps », titre à la mode, est la seconde ballade de l’album, encore plus magnifique que la première c’est dire… La basse redondante dramatise l’ambiance et coiffe la pièce d’un doux romantisme. Mais ce qui singularise davantage les compos, ce sont les deux signées par le saxophoniste et qui semblent graviter autour de l’addiction aux drogues qui ronge alors Coltrane, « Straight Street » et la superbe pièce finale « Chronic Blues » …

John Coltrane - Bakai (1957)
John Coltrane (1957) FIRST RECORDING [STRAIGHT STREET]
While My Lady Sleeps by John Coltrane from 'Coltrane'
Chronic Blues by John Coltrane from 'Coltrane'
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Message par Douglas » sam. 18 janv. 2025 04:17

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Kanine - Broken Jazz – (2013)

Kanine, mon cerveau devient fatigué, un peu las, comme des filigranes qui s’effilochent, implacablement, le temps passé s’étiole. Kanine, un nom de groupe, un album que j’avais coché sur la liste d’attente d’un site marchand, au cas où… En principe je ne le fais que pour les trucs sérieux, ceux qui m’interpellent, souvent une écoute, parfois une lecture, de temps en temps les deux…

Une mauvaise nuit, lever nocturne, l’ordi, la boîte, un message, un Cd de Kanine dispo aux States, le brouillard… Je commande, j’ai confiance. Pourtant je n’ai aucun souvenir de ce qui se cache derrière le patronyme, je décide de laisser le temps faire… Comme souvent, le temps c’est ce qu’il me reste encore…

Quelques semaines après il arrive, je le dépose sous la pile. Il dort quelques jours, et puis cette petite voix qui me dit « Attention, il y a un gars là-bas, aux States qui veut savoir si le Cd est arrivé, peut-être même qu’il attend ton évaluation… » C’est con, j’ai toujours répondu à ces sonnettes-là, un vieux reste de morale, juste essayer d’être honnête et réglo, c’est sûr : c’est vraiment con.

Je décide de le tirer de la pochette transparente, CD, CDR ? Je n’en sais rien mais il est accroché solidement sur une sorte de téton sur lequel il faut appuyer avec force pour l’extirper du support récalcitrant. Le Cd est sommaire : deux volets en carton épais, à l’intérieur, du carton brut et le CD. Au verso une série limitée notée à la main, 44/50. Petit tirage confidentiel, le label : Norwegianism Records, le CD date de 2012, Kanine est un duo : Art’ au sax et Sheik Anorak à la batterie. Le label est hollandais et les musiciens sont français, ils viennent de Lyon.

Alors ? C’est de l’impro, d’un bout à l’autre, j’aime écouter ce genre d’album, le temps s’efface et se dilate, on peut également dire qu’il se contracte, quand l’affaire est terminée. C’est juste une parenthèse, un peu comme boire un coup ou tirer sur un oinj… Ça me fait toujours cet effet-là, le casque sur les oreilles je me plonge dans le son, je m’oublie dans la musique, j’ouvre les esgourdes et je m’offre, dispo pour ce qui se présente… Je ne juge pas, juste ressentir… Le sax qui s’évertue sans s’essouffler, les fûts qui poussent, qui fractionnent le temps en petites secousses, les paysages qui défilent, les séquences qui s’enchaînent.

Celui-ci passe vite, il est un peu tribal, jungle, animalier, il respire l’Afrique, l’exotisme. On pense inévitablement aux autres duos sax/batterie qui ont marqué l’histoire du jazz, celui-ci, finalement est moins sauvage que beaucoup d’autres, il ne s’échappe pas dans le cri où dans la plainte, juste sculpte, peint ou dessine. Et c’est déjà beaucoup !


Dispo trois jours, c'est en flac.
https://we.tl/t-VtXkPtN0H9
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Message par whereisbrian » sam. 18 janv. 2025 09:22

En cours de récupération, merci.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 19 janv. 2025 02:50

whereisbrian a écrit :
sam. 18 janv. 2025 09:22
En cours de récupération, merci.
Bonne écoute!
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 19 janv. 2025 03:03

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John Coltrane – Dakar – (1957)

Je viens à peine de prétendre que « Coltrane » est le premier album sur Prestige, qu’il faudrait me dédire aussitôt avec « Dakar », dont la session d’enregistrement date du vingt avril cinquante-sept, alors que celle de « Coltrane » date du trente et un mai ! C’est que les choses ne sont pas si simples et que, dès qu’il faut plonger dans les détails, tout change et devient flou…

Il faut dire que Coltrane a effectué vingt-cinq sessions au minimum pendant la durée de sa présence sur le label, et qu’un nombre assez limité d’albums est effectivement paru pendant cette courte période. Ainsi, « Dakar » n’est paru qu’en l’année soixante-trois, alors que Coltrane était au zénith, passé par « Atlantic » et sous contrat avec « Impulse ».

Il faut également ajouter qu’il n’était pas leader sur l’album, il ne joue d’ailleurs pas davantage que Cecil Payne ou Pepper Adams, les deux jouant du sax baryton. Les spécialistes estiment que c’est Teddy Charles, auteur de trois pièces et superviseur de l’organisation de la session, qui en est le personnage central et le responsable. Par ailleurs, pour être complet, Mal Waldron est au piano, Doug Watkins à la contrebasse et Art Taylor à la batterie, et c’est Van Gelder qui produit.

Tout ce mic-mac n’empêche pas l’album d’être tout à fait plaisant, particulièrement pour les amateurs de baryton qui s’y retrouveront, mais aussi ceux qui apprécient Mal Waldron, déjà excellent sur « Coltrane ». Le saxophoniste ténor est lui-même très à l’aise et se montre convainquant dans son rôle de sideman, apportant la sûreté de son énorme flux ainsi que sa technique hors-norme.

Stylistiquement c’est un album parfait de hard bop tel qu’il se jouait alors, on prête à Teddy Charles le désir d’organiser la rencontre des deux barytons, l’ancien, Cecil Payne, et le jeune, Pepper Adams, l’étoile montante de l’instrument. Coltrane est considéré alors comme l’espoir surdoué du jazz, tous stylistes confondus, quant à Mal, c’est déjà un sage qui a bien bourlingué…

Il n’y a qu’une seule ballade, « Velvet Scene » de Mal Waldron, bien agréable, mais qui ne dénature pas le côté hard bop de l’album, assez en pointe, en cette année cinquante-six. Un album très honorable, avec son lot d’originalité, bien dans son époque.

Dakar (RVG Remaster)
Cat Walk by John Coltrane from 'Dakar'
Route 4
Velvet Scene by John Coltrane from 'Dakar'
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 20 janv. 2025 04:20

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Mal Waldron With Jackie McLean, John Coltrane, Idrees Sulieman, Sahib Shihab , And Bill Hardman – Mal/2 – (1957)

Mal Waldron a été le dernier accompagnateur de Billie Holiday pendant ses deux dernières années de vie. C’est un pianiste très sensible et déjà expérimenté qui est certainement encore sous-coté dans l’appréciation des amateurs. En fait c’est un musicien de premier plan qui a connu une carrière de musicien extrêmement brillante, sans réel passage à vide, mais des sommets successifs qui témoignent d’une extraordinaire vitalité à la pointe du jazz et de la modernité. Son partenariat en compagnie de Steve Lacy constitue un sommet dans le genre.

Pourtant nous sommes ici, en cinquante-sept, sur Prestige, pour l’enregistrement d’une merveille d’album. La distribution est juste énorme, Jackie McLean au saxophone alto ou Sahib Shihab au sax baryton, Idrees Sulieman ou Bill Hardman à la trompette, John Coltrane au ténor, Julian Euell à la contrebasse, Art Taylor ou Ed Thigpen à la batterie.

On l’a compris l’album se partage entre deux sessions séparées d’environ un mois, avec McLean ou Shihab mais aussi deux trompettistes et deux batteurs différents. Mais l’unité de l’album n’est en rien diminué, et tout va. Coltrane est présent lors des deux sessions, il fait partie de ceux qui cimentent le tout, à l’égal de Mal.

La première pépite est probablement « J.M.’s Dream Doll », un hommage du pianiste envers Jackie McLean et son épouse, Dolly, du genre lent et bluesy avec un McLean et un Trane très complices, ils balancent de magnifiques solos, ainsi que Bill Hardman qui déchire également.

Il faudrait également citer « One by One » avec Idrees Sulieman et Mal Waldron lui-même, qui tisse ses rets, sans oublier la reprise de « Don't Explain » réinventée, qu’aimait tant chanter Billie Holiday. La dernière pièce « Potpourri » est également fastueuse, traînante et tournoyante elle semble vouloir s’arrêter, puis repart sans cesse, un peu comme une ritournelle, jusqu’à ce que ce soit « la bonne » et que la musique s’arrête…

J.M.'s Dream Doll
One By One
Don't Explain
Potpourri
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 21 janv. 2025 05:00

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Archie Shepp - There's A Trumpet In My Soul – (1975)

L’année soixante-quatorze est restée blanche dans la discographie d’Archie Shepp. Après qu’il ait quitté Impulse c’est donc avec plaisir qu’on le retrouve sur « Arista ». J’ai toujours aimé particulièrement cet album, très accessible, mais sans facilité excessive et penchant toujours côté qualité. Il a même des accents free par certains moments, mais ce qui le caractérise le mieux, c’est sa continuité de style avec les précédents, enracinés dans le blues et dans la soul.

« There's A Trumpet In My Soul » est une suite en deux parties, la première correspond à la face A et la seconde à la face B. La chanson titre qui ouvre l’album est illuminée par la voix pure et cristalline de Semenya McCord, accompagnée aux accents de la guitare acoustique par Brandon Ross. Après ce sommet lyrique, Archie Shepp introduit « Samba Da Rua » par un solo de ténor aux accents brésiliens teintés d’une gorgée de blues…

Puis, le tuba de Draper Ray introduit « Zaid ». Shepp au saxo, comme suspendu au-dessus des éléments, est porté par les accords lancinants, répétitifs et dramatiques du piano de l'excellent Dave Burrell. Une tension se crée, encouragée par les roulements continus de la batterie, martelée de façon brute et sèche.

Archie Shepp s’appuie sur ce rythme hypnotique pour dérouler avec une lenteur calculée un long discours, tout en attente contenue, alimentant une atmosphère qui devient presque suffocante. Puis tout se dénoue aux accents du piano, et c’est le tuba qui délie en quelques notes la tension ainsi libérée.

Changement de style avec « Down In Brazil », un titre soleil, plage et cocotier, chanté par Bill Willingham. La chanson surprend dans le répertoire de Shepp qui n’est pas accoutumé à céder aux penchants que l’on pourrait qualifier de commerciaux, enfin l’idée traverse. Peut-être, pour dire : « Vous voyez, je peux le faire, moi aussi », et il faut reconnaître que c’est parfaitement bien exécuté, Shepp au soprano jette les bases d’une ambiance sucrée, le solo de Roy Burrowes à la trompette a lui aussi des accents festifs et enjoués et Charles Majid Greenlee se laisse gentiment embarquer par les accents brésiliens de la Samba. La version jouée ici ne possède pas la distance qu’il avait autrefois installée lors de son interprétation de « The Girl From Ipanéma », sur Fire Music.

La seconde face débute par la deuxième partie de « Zaid », celle-ci dure environ quatorze minutes et constitue une part très dense de l’album, en contraste absolu avec le morceau précédent. La puissante masse orchestrale soutient Shepp qui improvise un long solo, au phrasé et à la couleur unique, à l’arrière la rythmique est puissante et Beaver Harris assure un beat métronomique, les accents du piano électriques, nouveaux sons chez Shepp, sont tout à fait bienvenus.

Charles Majid Greenlee lui succède au trombone, un instrument que Shepp apprécie beaucoup et depuis longtemps. Tout à coup, pendant le solo de Greenlee, à l’arrière, le big band glisse lentement d’un morceau structuré et très rythmé vers des accents très free où le sol semble s’effondrer sous les coups d’une très dense improvisation collective aux accents dramatiques, puis, finalement, le morceau se réduit à l’activité d’un trio basse, batterie, sax ténor.

Arrive Bill Hasson qui récite un poème « C’est l’année du lapin… » (si,si). Tandis qu’à l’arrière revient une dernière fois, de façon conclusive, le thème de « Zaid », pour quelques notes finales en apothéose, qui constituent la troisième partie et l’épilogue de cette magnifique pièce.

Archie Shepp - There's A Trumpet In My Soul Suite - Zaid Part One
Archie Sheep Zaid Part Two It Is The Year Of The Rabbit
Archie Shepp - Down in Brazil (1975)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 22 janv. 2025 03:31

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John Coltrane With Red Garland – Soultrane – (1958)

Cet album a été enregistré au Van Gelder Studio, à deux pas de New-York, le sept février mille neuf cent cinquante-huit. C’est-à-dire pendant l’année et demi que dura la période Prestige, et il parut aussitôt, échappant au sort des enregistrements mis de côté. Red Garland est donc au piano, le jeune Paul Chambers à la contrebasse et Art Taylor à la batterie. Un quartet quasi parfait !

Pour comprendre l’importance de « Soultrane », il suffit d’écouter ce que prononça John à propos de cet album, et ça pourrait en surprendre quelques-uns, qui considèrent peut-être d’un peu haut la période Prestige du saxophoniste, souvent mise d’emblée à l’écart, on ne sait trop pourquoi.

C’est lors d’une interview enregistrée par le journaliste suédois Carl-Erik Lindegren qui lui demandait quels étaient ses albums préférés que Coltrane cita « Blue Train », et lorsqu’il lui demanda ce qu’il pensait de « Giant Steps » qui venait de sortir, il répondit : « Je pense que c'est mon meilleur enregistrement en quatuor jusqu'à présent, à l'exception peut-être de Soultrane. Je les mets tous les deux à peu près pareils. »

Voilà qui est dit, d’un autre côté cet album est très sous-estimé, ce qui explique sa diffusion limitée, pourtant une simple écoute rectifie immédiatement le tir. L’histoire raconte que le trio de Red Garland venait juste d’enregistrer quelques pistes, quand Coltrane se pointa et se joignit à la compagnie, le temps d’enregistrer la totalité de « Soultrane ».

Deux ballades, deux titres à tempo moyen et un autre cette fois-ci rapide furent alors captés. Les titres lents sont superbes et déjà tellement coltranien quand on y songe, le standard « I Want To Talk About You » et « Theme For Ernie » ravissent et charment. C’est Fred Lacey qui est le compositeur de l’hommage à Ernie Henry, un saxophoniste alto récemment décédé, l’interprétation de Trane est bouleversante et pleine de retenue.

Ce pourrait être cependant la version de « I Want To Talk About You » qui pourrait se détacher lors de cette session, mais faire un choix est difficile, le titre uptempo « Russian Lullaby » pourrait également convenir car Coltrane impressionne déjà par sa technicité hors-norme… Quoiqu’il en soit tout est, en fait, excellentissime, et j’imagine que l’ambiance lors de cette séance devait être studieuse et concentrée, y compris avec le naturel détachement souvent nécessaire entre les prises…

Ce qui est sûr c’est que John en tira un grand souvenir, et qu’il en fit part.

John Coltrane, "Good Bait" (Soultrane; Prestige 7142) Original RVG Mastering - 1958
I Want To Talk About You by John Coltrane from 'Soultrane'
You Say You Care by John Coltrane from 'Soultrane'
Theme For Ernie by John Coltrane from 'Soultrane'
Russian Lullaby by John Coltrane from 'Soultrane'
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