J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 17 juin 2024 03:52

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Cassie Kinoshi's Seed – Gratitude – (2024)

Cassie Kinoshi joue du saxophone alto, son nom semble assez discret sur la planète « jazz », et pourtant, quand j’atterris sur Discogs pour récupérer une pochette, son nom s’illumine de partout. Avec l’album de « Kokoroko », mais là je savais, mais encore avec « Driftglass » du Seed Ensemble, ou « You Can't Steal My Joy » d’Ezra Collective ou « Blume » de Nerija, et l’album « Source » de Nubya Garcia, ou encore « Black To The Future » de Sons of Kemets, sans parler de la fabuleuse compile « We Out Here » de dix mille dix-huit ! Ça clignote de partout vous dis-je !

Pourtant, ces multiples indications ne nous permettent guère d’anticiper l’écoute de cet album, ni par la forme, ni par le contenu, car Cassie a sorti de son chapeau une œuvre singulière : une longue suite musicale appelée « Gratitude ». Elle l’a créée en réponse à une commande, et l’a offerte au public au Southbank Centre de Londres en deux mille vingt-trois, et ça s’écoute face A.

Cassie est altiste mais également excellente arrangeuse, ce qui lui a permis de mettre sur pieds cet ambitieux projet avec son grand ensemble de jazz, appelé « Seed », augmenté du « London Contemporary Orchestra » ainsi que du platiniste NikNak, mis en vedette ici. Je ne fais pas la liste des musiciens présents sur cet enregistrement, mais on est au niveau d’un gros big band, pour donner une idée et situer l’enjeu.

L’interaction avec le grand orchestre à cordes est aux petits oignons et l’harmonie est de mise. Ainsi l’atmosphère est particulièrement « cool », agréable et coordonnée. Du travail très écrit en somme, ne laissant pas tant de place que ça à l’impro, mais on goûte tout de même aux solos jazz qui sonnent à chaque fois juste comme il faut, pour laisser respirer la musique et lui donner la bonne vibration.

La seconde face correspond à un enregistrement plus ancien, de deux mille vingt et un, au mois d’avril, effectué au fameux « Total Refreshment Centre », le cœur vivant, alors, de la nouvelle vague londonienne. La face B est donc consacrée uniquement à la pièce « Smoke In The Sun » interprétée par l’ensemble « Seed » d’une durée de moins de six minutes, ce qui est bien court, même si la pièce est belle et bien foutue.

On peut s’interroger tout de même à propos de ces sorties assez faibles au niveau quantitatif, au point qu’il faille passer à la vitesse du quarante-cinq tours pour pouvoir l’écouter. On n’arrive même pas aux vingt-huit minutes, le prix en face, lui, ne bronche pas. Une sortie International Anthem.

i


ii


iii sun through my window


Smoke in the Sun
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 18 juin 2024 03:02

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The Messthetics - The Messthetics and James Brandon Lewis (2024)

Voici un « Impulse » qui mérite le détour, même s’il se fera chahuter par certains piristes, eu non, puristes ! Pourtant il ne devrait pas, car, bon sang, c’est un bien bel album. L’objet du délit, « The Messthetics » sont des impurs, un trio basé à Washington DC, avec le guitariste Anthony Pirog issu du « rock expérimental » et rien moins que la section rythmique du mythique Fugazi, à savoir le bassiste Joe Lally et le batteur Brendan Canty.

Pour ceux qui imagineraient que ces deux-là sont du genre « brute épaisse à deux balles », il va falloir revoir la copie, déjà j’aime bien Fugazi dont j’ai quelques albums, et, de plus, on est bien loin de ces stéréotypes assez cons, pour tout dire. Et puis il y a cet invité de feu, ce gars absolument passionnant qui écrit une nouvelle page remarquable, le saxophoniste James Brandon Lewis himself !

Inutile de préciser que la fusion à quatre est absolument épatante, un beau mélange entre rock et jazz qui fonctionne tout au long des neuf pièces. Curieusement il n’y a aucun crédit sur l’album et aucun titre n’est attribué, comme si les quatre se partageaient l’honneur des compos, chacune le fruit d’une collaboration mutuelle et chacun à son niveau d’action.

C’est particulièrement sur les titres rapides que la rythmique, extrêmement carrée, se montre hyper efficace, et si, comme sur « Fourth Wall» la guitare de Pirog strie l’espace de façon saignante, déplaçant l’air pour faire la place à Brandon qui liquéfie tout sur place, alors on est quelque part au sommet, à l’apothéose, du bon boulot et grand service !

Bon, il y a également quelques ballades, comme « Asthenia » ou « Three Sisters », alors forcément ça le fait différemment, un autre visage. Il y a aussi « Emergence » qui se présente un peu comme un truc au format hit, rapide et nerveux, qui le fait bien dans le genre, on en redemanderait presque ! On pourrait citer également le funky « That Thang » qui a des velléités tubesques et commerciales, c’est sûr, ça ne plaira pas aux piristes !

Vous avez de quoi vous faire une idée désormais, alors n’hésitez pas écouter l’album en commençant par l’excellent titre d’ouverture « L'Orso » qui ouvre l’appétit.

L'Orso


Fourth Wall


The Messthetics, James Brandon Lewis - That Thang


The Messthetics, James Brandon Lewis - Emergence
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 19 juin 2024 03:47

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Louis Sclavis Sextet – Les Violences De Rameau – (1996)

Louis Sclavis sur ECM, déjà presque une victoire, mais le gars est tellement particulier qu’il va ajouter un peu d’embrouilles dans la machine. Rassurez-vous, en tout bien, tout honneur, il va pêcher par grandeur d’âme et hauteur de vue. C’est comme ça, d’autres à sa place se seraient fondus dans la recette et auraient épousés les standards du label, faire du propre et du net.

Pas lui, il a écrit un truc ambitieux et carrément d’avant-garde, une véritable œuvre d’auteur, qui sort de l’ordinaire et qui n’appartient qu’à lui. Gloire à Louis Sclavis qui joue dans le dur et croit en sa bonne étoile, il fait bien d’ailleurs, car Manfred Eicher y a toujours cru lui aussi, contre vents et marées…

Voici le sextet, Louis à la clarinette, clarinette basse et saxo soprano, Yves Robert au trombone, Dominique Pifarély au violon acoustique et électrique, François Raulin aux claviers, Bruno Chevillon à la contrebasse et François Lassus à la batterie. Ne vous inquiétez pas pour eux ce sont tous des pointures et la copie est magnifique, tendance sublime…

Pour bien comprendre le projet il faut savoir que « Les Violences de Rameau » était une commande du ministère de la culture qui subventionnait l’affaire, les pièces étaient arrangées d’après « Les Boréades », « Les Indes Galantes » ou « Dardanus », un répertoire classique bien sûr, qui imprègne l’ensemble de l’œuvre.

Pourtant on entend l’influence jazz qui se glisse, ou même quelques folks qui s’insinuent, une légère teinte rock parfois, mais aussi la musique de chambre, et des structures non habituelles, des mélanges inédits, et par-dessus tout ça, l’impro qui s’invite au milieu du menuet…

Tout le charme est là, dans « Réponses à Gavotte » qui s’électrise ou « le diable et son train » qui ouvre le bal et « Pour vous… ces quelques fleurs », d’après « l'éclat des roses », dans les « Indes Galantes ». Vous l’avez compris, ici, c’est du hors-piste, de l’aventureux, ce genre d’album est forcément excentrique et même parfois délirant, loin de l’académisme de départ, mais cette folie étrange était d’emblée contenue dans l’intention, le geste était réclamé en même temps que l’insolite et l’étrange.

Voici la citation de Rameau qui figure en bonne place sur le livret accompagnant : « Le désespoir et toutes les passions qui portent à la fureur demandent des dissonances de toutes espèces non préparées. » Nous voilà prévenus !

Louis Sclavis Sextet ► Réponses à Gavotte [HQ Audio] Les Violences de Rameau 1996


Louis Sclavis sextet 'venez punir son injustice'son injustice mp3
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 20 juin 2024 03:37

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Rob Mazurek, Mwata Bowden, Julien Desprez, Matthew Lux, Mathieu Sourisseau – Four Views of a Three Sided Garden, Shore to Shore – (2016)

Ouvrons une nouvelle page des « Bridges Sessions », ici le troisième volume, et une nouvelle rencontre, encore… Côté Etats-Unis Rob Mazurek au cornet et à l’électro, Mwata Bowden à la clarinette, au sax baryton, au didgeridoo et aux percussions, Matt Lux à la basse électrique et un invité supplémentaire, du genre « coucou je suis de passage… », rien moins que Douglas Ewart au cor anglais et à « l’Ewart bambou piccolo », sur la première pièce uniquement…

Côté France Julien Desprez à la guitare électrique et Mathieu Sourisseau à la guitare basse acoustique. Tous de beaux improvisateurs, des noms qui me parlent, et le gage d’une musique très ouverte, essentiellement improvisée, née du « rien » ou du pas grand-chose, de la création spontanée du temps d’avant, pourrait-on dire, comme un fil tendu vers les « anciens », qui misaient sur la sincérité du moment et la joie du partage.

Deux pièces sont jouées, « Fourth View » est la première, de près de vingt-trois minutes, et « Second Side » qui enchaîne, frôle les trente-quatre minutes. Après une intro plutôt calme, la première vire vive d’emblée, bavarde et agitée, pourtant le temps semble s’étirer et la masse arrive par vague, puis se retire, avant de revenir… Magnifique pièce quasi hypnotique qui subjugue l’auditeur attentif, vite piégé !

La seconde pièce est tout d’abord atmosphérique, se plaisant dans la création de climats sonores qui s’étalent par nappes, l’électro installe l’espace et le structure, contrarié parfois par Julien Desprez qui le strie et le zèbre, traçant de grands traits sur la toile. Un courant souterrain semble vouloir se former et se déplacer avec lenteur, déplaçant la masse sonore, parcourue de frissons en surface…

Le didgeridoo surgit de la nuit des temps et se fait entendre, tel un drone, il incarne le passé, le poids de l’histoire sur lequel Rob Mazurek dessine sa propre trame, comme une urgence, au son du cornet qui dispute le souffle continu au dinosaure, qui finalement s’étiole… Le temple semble vouloir s’étirer, comme un blues qui crie, Bowden à la clarinette, avec Sourisseau qui nourrit d’énergie le serpent enfoui, et glisse lentement…

C’est à nouveau la guitare de Julien qui relance en fin de parcours, comme un break, l’album progresse ainsi en courtes phases qui se succèdent et s’enchaînent.

C’est le troisième album de la série des « Bridges Sessions ».

Fourth View


Second Side
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 21 juin 2024 02:35

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Gutbucket – Flock – (2011)

Gutbucket est une formation basée à New York qui a sorti son premier album en deux mille un et son dernier, le sixième, en deux mille seize. « Flock » est le cinquième, enregistré alors que tout semblait tourner rond et bien s’accorder, c’est leur seul enregistrement sorti par le label Cuneiform Records, un très beau Cd.

Mais qui sont donc ces quatre bougres qui semblent vouloir jouer sans cesse avec les étiquettes ? Ty Giterman joue de la guitare électrique, Adam D. Gold de la batterie et des percus, Eric Rockwin des basses et autres, Ken Thomson des saxos et des clarinettes, de toutes sortes.

Je parlais d’étiquettes un plus haut, car ces gars sont inclassables, par une sorte de rapprochement artistique dans la démarche on pourrait citer rapidement Zappa, c’est tentant, mais pourtant très inexacte, à l’écoute. Mais ce sont des barrés, par exemple le titre d’ouverture se nomme « Fuck You and Your Hipster Tie » !

On pourrait tout aussi bien citer Henry Cow, bien que ce soit encore à côté, alors je vais tenter d’éclaircir tout ça. Bien qu’ils ne soient que quatre ils sonnent souvent comme s’ils étaient plus nombreux, leur musique est branchée, à l’électricité, et oui, les guitares. Ils écrivent beaucoup, les titres sont léchés et bien chiadés. Du coup ça tourne bien, au millimètre, et tout est soigneusement préparé.

Il y a pas mal de césures dans la musique, là on pourrait penser à Zorn, le roi dans ce style. Il y a également de vives accélérations, des virages brusques, mais aussi des interruptions, de quoi vous surprendre, car c’est le but. Il y a également une forte énergie libérée, comme au rock, d’ailleurs ça s’en rapproche fréquemment. Souvent on pense à du « jazz rock », mais plutôt par courtes phases. Il y a également des ruptures rythmiques et des montées en tension très travaillées, avec effet final assuré.

Les pièces sont donc assez dissemblables, bien que s’affirmant grâce au style, ce qui donne une belle unité à l’album. Ma pièce préférée pourrait être « Murakami ». On peut citer également « Give up » assez marquante par son final. A la fin de l’album siège une suite un peu ambitieuse, « Born Again Atheist Suite », en trois parties, « Dyslexic Messiah », « Sacrificial Vegan » et « Turning Manischewitz into Wine », pour une durée totale d’environ dix-sept minutes. Une bien belle réussite également !

Vaut le détour comme on disait autrefois…

Murakami


498


Dyslexic Messiah (Where's Your Dog​?​)


Turning Manischewitz into Wine
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 22 juin 2024 03:56

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Carlos Niño & Friends – Placenta – (2024)

La dernière arrivée des productions International Anthem, sous la forme d’un double LP signé par le collectif Carlos Niño & Friends. Le titre « Placenta » suggère le thème de l’album qui gravite autour de la grossesse et de la naissance, tant sous l’angle psychique que physique, incluant jusqu’au stade de la parentalité. Quand on connaît l’emploi du temps du surbooké Carlos Niño, nous voilà quasi pantois. Mais voilà, avec l’arrivée de Moss, l'enfant de Niño, l’inspiration s’impose.

Désormais familiers de la coolitude de cette musique tant électro qu’acoustique, avec une abondance percussive qui fourmille et crapahute, sans oublier les collages sonores et autres sorcelleries du genre, qui sont là sans qu’on ne les devine ni ne les décèle. Tant tout disparaît sous le pinceau de l’artiste magicien présent jusque dans le monde in utéro.

Les vignettes sonores défilent et se suivent tranquilou, avec des motifs qui se suivent ou se superposent, s’enchainent, s’intègrent ou s’incorporent. Des bruits associés, ou des paroles inspirées, nous proposent somme une immersion dans ce moment du passage, depuis le début de la vie. L’eau, la respiration, les vagues, les soupirs, ou comment vibrer charnellement, à l’écoute du corps…

C’est un peu intrusif, ainsi on se branche aux sensations liquides et fluides, au placenta nourricier où s’effectuent les échanges, on entend jusqu’à la voix de l'accoucheuse Haize Hawke, et des tendres cris de Moss…

Il y a aussi une tribu d’invités de passage, je vous les cite en un lot, vous y reconnaitrez de sacrées pointures : Nate Mercereau, Jamire Williams, Sam Gendel, Jamael Dean, Dexter Story, Brandon Eugene Owens, Maia, André 3000, Jesse Peterson, Ariel Kalma, Surya Botofasina, Annelise, Haize Hawke, Aaron Shaw, Devin Daniels, Tiffany de Leon, Michael Bolger, Michael Alvidrez, Lasos, Photay, Deantoni Parks, Adam Rudolph, Andres Renteria, Cavana Lee et Moss évidemment.

Quelques pièces pour illustrer l’album, « Birthworkers Magic, and how we get hear… » avec Maia, Abdre 3000 et Jesse Peterson, « Love to all Doulas! » qui ouvre l’album, « Placenta, Nourishment, New Home, The Galaxy » l’excellent « Bi-Location »,« Play Kerri Chandler's Rain » qui occupe la face D.

Je ne sais si cet album ajoute à la légende, mais il est là, dispo, en attente…

Love to all Doulas!


Birthworkers Magic, and how we get hear…


Placenta, Nourishment, New Home, The Galaxy


Bi-Location


Play Kerri Chandler's RAIN
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 23 juin 2024 15:16

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Spiral Quartet – kaleidoscope – (2007)

Commençons par les musiciens, Philippe Poussard joue du saxophone soprano et compose à peu près tout, excepté la courte pièce « imminence », et la suivante, qui est une création collective improvisée. Il y a également le grand pianiste Bruno Angelini, ainsi que François Charles Delacoudre à la contrebasse et Christian Lété à la batterie et aux percussions.

L’album est constitué par une longue suite en six parties, auxquelles s’ajoutent trois « transitions » qui s’intercalent, ainsi que « imminence » dont je vous ai fait déjà part. La dernière pièce « Jeux Parallèles » est indépendante et dépasse les dix minutes. Ainsi se structure ce CD.

Côté musical c’est assez riche et varié, on se situe entre musique écrite et musique improvisée, en même temps qu’entre free jazz et influence contemporaine, il n’y a pas vraiment d’équilibre là-dedans et il est inutile d’en chercher, le titre de l’album, « Kaleidoscope » est décidément bien trouvé !

A ce stade on peut féliciter la prise de son, beaucoup de clarté et de définition, de quoi satisfaire les plus exigeants, l’album est paru sur un label allemand, « Konnex Records », mais a été enregistré, mixé et produit en Italie, en septembre deux mille six.

La musique proposée est souvent « sans corps », volatile, rêveuse et impalpable, pleine de finesse et d’harmonie, saxo et piano dessinent des arabesques, des routes et des sentiers qui déroulent un parcours que l’on suit, avec l’un, puis avec l’autre, sans être sûr d’aller quelque part, mais est-ce le but ?

Les transitions sont des pièces courtes qui s’intercalent de façon semble-t-il improvisée, le temps d’un geste ou d’un mouvement, d’une question ou d’un commentaire… La dernière pièce de la suite « Eclats » est également la plus énigmatique, entre pause lente et course folle, ménageant des contrastes, comme des pulsions ou des questions inquiètes.

Spiral Quartet est donc une fenêtre ouverte sur les musiques actuelles, en partant du jazz, son langage premier, vers les musiques contemporaines, abstraites ou sérielles. Les quatre savent faire et nous emmener vers ces nouveaux paysages sans qu’on s’y perde.

(Hélas, pas d'extrait pour cet album pourtant intéressant...)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 24 juin 2024 05:22

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Evan Parker, George Lewis, Barry Guy, Paul Lytton – Hook, Drift & Shuffle – (1985)

Evan Parker, saxophoniste britannique de free jazz, né le cinq avril quarante-quatre à Bristol, en Angleterre, est tout simplement l’un des plus considérables musiciens du vieux continent, et certainement parmi ceux dont l’influence fut la plus grande. Il me semble vous avoir fait part d’Evan à propos de « Monoceros » de soixante-dix-huit, un album emblématique.

Je l’ai évoqué également au long de ce fil, avec « Chiasm » sorti en deux mille dix-neuf, ou sur l’album « Descension (Out Of Our Constrictions)» de Natural Information Society où il intervient en tant qu’invité, ou encore sur l’album « Pakistani Pomade » du Alexander Von Schlippenbach Trio, ou sur « Nipples » du Peter Brötzmann Sextet, ou encore sur « Procession » un album Live du « Chris McGregor’s Brotherhood of Breath, ou sur « Spirits Rejoice! » du Louis Moholo Octet, ou encore sur « Karyōbin » du Spontaneous Music Ensemble, ou bien de « Pearls » du « Globe Unity Orchestra And Guests », ou de « Groupcomposing » de Misha Mengelberg et Peter Brötzmann, ou encore « Fixing The Fluctuating Idea « du Evan Parker ElectroAcoustic Ensemble With Sainkho Namtchylak.

J’arrête là cette liste car en fait elle se poursuit encore sur une belle longueur, mais elle signifie prioritairement que ce musicien, dont il semble que l’on ne parle pas tant que ça, est en fait présent partout, au travers de multiples albums de tous genres, mais avec en toile de fond l’improvisation avant tout, car ce surdoué est l’un des plus géniaux improvisateurs de sa génération.

Il joue du sax soprano en premier instrument et du ténor en second, sur cet album également. L’enregistrement a été effectué en concert, le quatre février quatre-vingt-trois, à Bruxelles, au Palais des beaux-Arts. Evan est accompagné par le grand George Lewis au trombone, Barry Guy à la contrebasse et Paul Lytton aux percussions. Tous des as !

Trois titres sont joués, le premier et le plus long est « Drift », trente-quatre minutes et demi, ensuite vient « Shuffle » qui frôle les dix minutes et enfin « Hook » clôt le concert, ainsi le Cd qui dure une cinquantaine de minutes. La première parution de quatre-vingt-cinq en vinyle est sortie sur « Incus », label free dirigé par Derek Bailey, Tony Oxley et Evan Parker lui-même. Je possède la réédition Cd de deux mille sept sur « psi ».

J’ai beaucoup apprécié l’écoute la musique proposée, particulièrement la nuit, et je me disais : « Tiens, c’est une musique de nuit ! » En effet il se passe toujours quelque chose sur cet album qui pourrait évoquer « les bruits de la vie dans la forêt » mais accentués et forcis, amplifiés et augmentés, du genre surréaliste…

En fait « Drift » par exemple regroupe un bestiaire stupéfiant qui n’aurait de cesse de faire intervenir de multiples coassements, grognements, hululements, pépiements et autres borborygmes plus ou moins inquiétants… Cet album c’est un spectacle sonore, une symphonie du vivant, prompte à gratouiller l’imagination, pour qu’elle soit stimulée au maximum, créant des scénographies qui se succèdent et se superposent…

Oilà, oilà…

Les trois mêmes, mais pour un autre concert, ce n'est pas la musique de l'album présenté, mais ça donne une idée...

Evan Parker, Barry Guy & Paul Lytton: Live at the Knitting Factory (1996)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 25 juin 2024 05:08

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Ethnic Heritage Ensemble – 21st Century Union March – (1997)

Un album de l’Ethnic Heritage Ensemble ça fait toujours plaisir, celui-ci se distingue par l’absence d’invités, qui rythment habituellement les sorties. Juste un trio, donc, avec Joseph Bowie au trombone, Edward Wilkerson au ténor et à la clarinette, et bien sûr, Kahil El’Zabar au « earth drums », « trap drums », ou à la sanza, variété de piano à pouces et autres percussions. D’ailleurs tous jouent des percus à un moment ou à l’autre, histoire de porter et soutenir le flow…

L’album a été enregistré en juin quatre-vingt-quinze et, sur le livret, on insiste sur le soin apporté à la qualité du son lors de l’enregistrement, spécifié « digital », avec des masters utilisant une nouvelle technologie de l’époque, dite « Sonic Solutions System ». Avant même que de lire cela, j’ai en effet été surpris de la qualité du son concernant le timbre des cymbales qui tapissaient en fond musical la pièce écoutée.

C’est un album Silkheart, le label suédois, ce qui signifie Cd très longue durée, comme à chaque fois, soixante-douze minutes et quarante-quatre secondes certifiées. Bien que neuf titres soient annoncés, dix défilent au compteur. Sans surprise Kahil El’Zabar est le compositeur, sauf pour le standard « Lover Man » dont il donne une magistrale version où il chante. Comme pour tous les albums de cette formation, priorité est laissée aux rythmes, au groove, ingrédient essentiel de ce riche album.

On connaît la « recette » de Kahil et de ses rythmes aux propriétés hypnotiques et anesthésiantes, qui subjuguent et font tripper, cette base sur laquelle se greffent les mélodies des solistes, souvent répétitives et habiles, toujours promptes à vous embarquer avant de vous faire décoller, sans votre consentement, vous saisissant en s’emparant de votre âme pour la balader dans l’autre réalité, celle des rêves et de l’imaginaire…

Écouter l’album vaut consentement, et vous n’êtes prisonnier que de votre propre cerveau, c’est, paraît-il, sans danger, rien que du naturel et de l’autosuggestion, l’Ankoù ne viendra pas vous attraper, pour vous emmener là où vous savez, où alors c’est que vous l’avez appelé, afin qu’il vous coupe de votre « âme ».

Ici est convoqué à travers les tambours, la sagesse ancestrale, dans un cadre naturel, très sobre et essentiel, avec ce surplus organique qui libère l’énergie vitale et l’éveil des sens, ce trio est de bonne sorcellerie, il saura vous prendre en charge et s’occuper de vous, chacun est un percussionniste habile et chevronné, de la meilleure catégorie, la plus haute, mélangeant douceur et élévation…

L’album est juste magnifique, tribal, premier et d’une subtilité redoutable, mélange exigeant que l’on doit à ces experts musiciens, de la classe la plus haute.

Bah ! Que dire de plus ?

Lover Man


Burundi


Crumb Puck You Let Slide


How the Cow See Cirrus
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 26 juin 2024 02:58

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John Stevens, Evan Parker – Corner To Corner + The Longest Night - (2007)

Cette compile regroupe des enregistrements importants, peut-être même fondamentaux du free jazz britannique. La session du vingt et un décembre soixante-seize contient trois pièces parues en soixante-dix-sept sous le nom de « The Longest Night Vol 1 » en édition vinyle originale. Il y a également le second volume de ces longues nuits, regroupées entre les pièces quatre à sept du premier Cd, ainsi que de la première pièce du Cd deux, c’est-à-dire le titre « 23.40 », cet ensemble constituait à l'origine le vinyle « The Longest Night Vol 2 ».

En outre, les pièces deux à huit du second Cd, proviennent d'une autre session, celle du huit juin quatre-vingt-treize, et sont issues de l’album « Corner To Corner ». Cette compile deux Cds regroupe donc trois albums qui sont parus sous le label Ogun, en deux mille sept, pour une durée totale d’environ deux heures trente, ce qui est assez impressionnant, un peu comme si vous alliez au concert ou à l’opéra.

« Corner To Corner » est donc paru un an avant la disparition du batteur John Stevens, que l’on entend également au cornet. On se souvient qu’il a été un des membres fondateurs du « Spontaneous Music Ensemble » que l’on a souvent évoqué sur ce fil, et dont il a été membre jusqu’au bout. John Stevens est une des personnalités les plus marquantes du free anglais, à l’image d’Evan Parker, son partenaire sur ces albums.

Ce dernier se concentre sur son instrument fétiche, le saxophone soprano. Ces deux musiciens, John Stevens et Evan Parker, sont donc considérables, doués d’une influence d’envergure mondiale, et pourtant, par la force des événements, souvent réduits aux petits espaces et à un public d’initiés. C’est le sort réservé aux précurseurs, débroussailleurs et défricheurs, explorateurs des terres limitrophes, entre espaces connus et terres encore inexplorées.

Le premier Cd est donc remarquable par la trace qu’il laisse d’un dialogue pied à pied, où les deux s’épousent terriblement, serrés et collés, comme en recherche de fusion. Evan est ramassé, mais jamais petit bras, comme une marmite bouillonnante que l’on sent prête à exploser mais qui se maîtrise et se contrôle, pour aller un peu plus loin, avancer encore, un pas de plus…

John Stevens est économe et généreux, son kit est minuscule, et presque ridicule, quand on pense au matériel que certains de ses collègues étalent devant eux, et même autour deux. Lui, n’a pas de grosse caisse, juste deux charlestons et une caisse claire que l’on penserait conçue pour un enfant. Maintenant écoutez bien, et vous aurez une idée de ce qu’est la « maestria ».

Les deux sont des peintres modernes, ils projettent sur la toile, laissent couler, ils envoient des gouttes colorées et zèbrent ensuite, ensemble, dans le même geste, ils superposent les couches de couleur, recherchant la nuance en faisant éclater la lumière, la faire surgir, jaillir, jusqu’à ce qu’elle éclate…

Le second album « Corner To Corner » est tout aussi remarquable et peut-être encore davantage, C’est ici que l’on entend John Stevens au cornet pour un dialogue pointilliste et intense. Ce foisonnement ininterrompu de sons, hoquetant parfois, en un éternel questionnement est particulièrement puissant et interpelant pour l’auditeur pris à parti malgré lui…

Quelque chose d’essentiel se joue dans cette musique, malgré qu'elle semble un peu perchée, sauf à s'y plonger…

19.11


23.12


Corner To Corner


Each​/​Other
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