
Michael Mantler / Carla Bley – 13 & ¾ - (1975)
Voici le troisième du label, « WATT/ 3 », un album que l’on pourrait qualifier de « partagé » entre les deux membres du couple. La première face, « 13 » est celle composée et dirigée par Michael Mantler, et l’autre, « ¾ » par celle de Carla Bley, bien que chacun participe à l’œuvre de l’autre. Rien n’est évidemment conflictuel et tout est partagé, y compris la galette qui nourrit chacun des compositeurs.
Le danger serait de ne considérer que la seconde partie et de ne voir que Carla, vu qu’elle attire naturellement toute la lumière. Michael est lui du genre travailleur, comme Carla, mais avec, peut-être, un côté fastidieux, besogneux, du genre à se perdre dans les détails et obsédé par le souci de ne rendre qu’une copie parfaite.
« 13 » est tendue, un peu monstrueuse avec ses cinquante-sept membres, un orchestre symphonique, énorme ! On trouve encore plus de participants si on regarde la pochette arrière et les photos associées aux différentes sections où soixante et onze sont ainsi regroupés !
La tension habite la pièce de son début à la fin, elle s’organise minutieusement, avec des sections de cordes, de anches, de cuivres et d’autres encore, chacun suit les ordres millimétrés de la baguette, et l’auditeur attentif sera subjugué par cette montée dramatique dont Carla lance le point culminant en frappant les accords de son clavier, signal de l’apothéose finale, c’est tout simplement dantesque, une œuvre majeure de Michael Mantler qui n’en restera pas là !
Alors que la première face est souvent dédaignée, celle consacrée à Carla est, elle, magnifiée. Seulement dix-huit au départ, petit bras mais quelle facilité, quelle aisance ! Par contraste la pièce semble plus féminine, légère, on y entend le piano de Carla qui dialogue avec les autres sections de la formation. On y entend ce qui caractérise déjà le style de la musicienne, le don pour l’écriture des mélodies, l’attrait pour le minimalisme et la répétition ainsi que pour ces airs qui rappellent la musique de Kurt Weil et l’esprit « cabaret ».
On entend également ici une influence un peu « classique » en même temps que quelques accords « free » qui donnent un côté moderne à la composition. La pièce est plus facile d’accès que celle proposée sur l’autre face, mais elle comporte également son côté sombre. Il se raconte que lors de la première en live, c’est Keith Jarrett qui tenait le piano, dommage qu’il n’existe pas d’enregistrement !
Pour finir, me voilà un peu piégé pour donner mon avis car l’album est tout simplement extraordinaire, bien qu’appartenant au genre symphonique, on y entend un jazz très élaboré qui pourrait évoquer le Jazz Composer’s Orchestra dont les deux sont membres, par ailleurs.
Malgré sa perfection il n’entre pas souvent dans les premiers à acquérir, d’autres sont probablement plus significatifs, il y a le « split » également qui catalogue celui-ci dans les trésors un peu cachés de la discographie de Carla Bley, et pourtant, quel trésor !
Michael Mantler - 13 for Piano and Two Orchestras
Carla Bley - 3/4, For Piano And Orchestra