J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Blues traditionnel ou blues blanc, jazz, soul, funk, c'est ici.
Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 21 avr. 2025 03:43

Image

John Zorn – Chaos Magick (Nothing Is True — Everything Is Permitted) – (2021)

Voici « Chaos Magick » nom de ce premier album, ainsi que de la formation qui l’interprète. Cette dernière est formée par le trio « Simulacrum », c’est-à-dire John Medeski à l’orgue, Matt Hollenberg à la guitare et Kenny Grohowski à la batterie, augmenté de Brian Marsella au piano électrique.

Bien que ce soit chronologiquement le premier album de cet ensemble, je vous ai déjà présenté tous les suivants, les voici dans l’ordre, « The Ninth Circle (Orpheus In The Underworld) », puis « Multiplicities: A Repository Of Non-Existent Objects », auquel succède « 444 » et enfin « Parrhesiastes », le dernier paru à ce jour, en l’année deux mille vingt-trois. Pour l’instant ils sont donc cinq réunis autour de ce « jazz rock » particulièrement bien inspiré.

Comme souvent chez Zorn il y a une sorte de fascination intellectuelle à chercher dans la littérature ou même dans l’art de façon plus générale, un prétexte ou une justification à ses travaux, même si, assez souvent, à l’écoute de son œuvre on ne voit pas forcément les liens qui se tissent ou inspirent la musique elle-même.

Ainsi, voici ce qui entoure ce premier album de Chaos Magick, tel qu’indiqué sur le site de Tzadik : « « Chaos Magick est une pratique magique contemporaine basée sur les idées d'Austin Osman Spare… elle embrasse et a influencé le travail de William Burroughs, Robert Anton Wilson, Aleister Crowley et bien d'autres. » La pochette elle-même représente le symbole de la sphère du chaos. Peut-être pourrions y associer la pièce « Egregore » qui semble également procéder de ce même intérêt.

On retrouve le goût de Zorn pour tout ce qui a trait aux croyances occultes, Spare est un peintre et dessinateur de cet ordre qui croisa Crowley. Rien d’étonnant donc à entendre sur la pièce « Liber M » la voix d'Aleister Crowley lui-même, ici échantillonnée. L’album plaira donc aux fans de Zorn et plus particulièrement aux amateurs de cette mouvance qui balance entre jazz, rock et métal parfois.

Malgré la présence de deux claviers il n’y a pas vraiment de prédominance dans le son de la formation, tout y est plutôt bien équilibré. Le mélange avec la guitare sonne avec une parfaite efficacité. On sent bien évidemment la direction de Zorn et le goût immodéré pour une musique angulaire, avec des coups de frein et des accélérations soudaines, des virages à angle droit et des arrêts forcés… De quoi peut-être étonner et surprendre les non-initiés, mais tout est réalisé avec une telle perfection que ça passe et se digère sans trop de mal, car nous voici vite déjà parti dans une autre direction…

Les pièces sont magnifiques, on peut signaler « Corinthians I », mais également « Corinthians II » qui termine l’album, et peut-être « St Augustine » avec cette voix lointaine que l’on entend lorsque s’ouvre la pièce, ou l’anguleux « Imp of the Perverse » …

Corinthians I
Corinthians II
St Augustine
The Servitor
Egregore
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 22 avr. 2025 04:19

Image

Omar Sosa – Live À FIP – (2006)

Je vous avais déjà parlé d’Omar Sosa pour son album « Suba » paru en deux mille vingt et un, en duo avec le joueur de Kora sénégalais, Seckou Keita, un bon souvenir que nous a laissé le pianiste Cubain qui s’est formé à La Havane, avant de s’exiler en Equateur, puis à San Francisco et enfin à Minorque, une des quatre îles Baléares, où il s’installa après un séjour à Barcelone.

Il s’est enrichi de toutes les musiques qu’il a rencontrées dans ses voyages, c’est cette diversité culturelle qui fait tout son charme et donne à sa musique des couleurs variées, ainsi qu’une touche d’universalité unique.

Pour l’heure le voici à FIP, (France Inter Paris) où il donna un concert au « Studio 105 », le douze mai deux mille cinq. Il nous joue quelques-uns de ses succès, entouré par Miguel "Angá" Díaz aux percussions, Steve Argüelles à la batterie et à l’électro, c’est le gars du coin, Childo Tomas à la basse électrique, au m’bira et au chant, ainsi que Luis Depestre au saxophone et aux percus.

Omar lui-même joue du piano, des percus et chante également, dès le premier titre nous voilà plongé dans la chaude ambiance caraïbéenne avec « Nuevo Manto » un titre, comme trois autres encore, issu de son album de deux mille quatre, « Mulatos », nommé aux grammy awards, à priori valeur sûre de son répertoire.

On appréciera le jeu de Luis Depestre qui sait allumer les mèches et ajouter sa touche personnelle avec à propos, il régale souvent, nous serons également sensibles aux percus qui apportent une identité Latin jazz vraiment régalante, on sent le public très chaud et enthousiasmé. Omar Sosa lui-même possède un touché vraiment magnifique qui nous embarque bien de temps à autres. Il fait ce qu’il sait faire avec sincérité et feeling.

Peut-être préférerons-nous le groupe lors des pièces rapides et vives, mais même les titres lents sont sympas, comme « El Consenso » et son sax dans le final, toutefois, Omar est assez rare en quintet, alors autant profiter au maximum de l’opportunité qui nous est offerte.

On remarquera « Metisse » et « African Sunrise », avec Childo Tomas au chant et où s’entend le m'bira, qui, succédant à « Nuevo Manto », assurent une bonne entrée dans l’album, et on pensera également à « Paralelo » et à « Muevete en D », souvent joué lors des rappels, avec Angá Díaz au cajon, sorte de tambour, et qui assure une bonne sortie …

Nuevo Manto
Paralelo
Métisse
Muevete En D
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 23 avr. 2025 03:51

Image

Dinah Washington With Eddie Chamblee And His Orchestra – Dinah Sings Bessie Smith – (1958)

Je me souviens au temps d’avant, après avoir beaucoup écouté Billie Holiday, m’être arrêté pour écouter les vocalistes de jazz. Les plus grandes, celles qui étaient consacrées, ne me convenaient pas, Ella Fitzgerald et Sarah Vaughan ne me faisaient pas rêver, mais une voix sortit du lot et s’imposa à moi, la très « soul » Dinah Washington !

Pourtant rien d’évident, car si la voix me plaisait énormément, il y avait un gros inconvénient, celui des orchestrations. Il faut savoir qu’autrefois le nec plus ultra était d’enregistrer avec un grand orchestre à cordes ! Cela peut surprendre car, à l’écoute, d’une certaine façon « le jazz s’en va » ! Pourtant même Charlie Parker finit par accéder à ce rêve, comme quoi !

Dinah Washington était alors une chanteuse très populaire, sa voix est immédiatement prenante, ample et charnue elle est très généreuse, on y entend également beaucoup de sensualité, elle est très naturelle et instinctive et s’impose avec facilité, aussi elle connut une grande carrière. Par ailleurs elle joua à la loterie des maris, et en épousa huit, dont un dont elle se débarrassa dans un délai express. Elle mourut d’une overdose médicamenteuse à l’âge de trente-neuf ans.

Elle est à l’origine d’un tube international, le célèbre « What a Diff'rence a Day Makes » qu’elle chanta en cinquante-neuf :
https://www.youtube.com/watch?v=OmBxVfQTuvI

Mais ce que je préfère chez elle ce sont les accompagnements jazzy, comme celui que l’on trouve sur le formidable « Dinah Sings Bessie Smith », un hommage majuscule quelle rend à l’icône du blues. Dans un genre voisin elle a enregistré un hommage à Fats Waller, accompagnée par un grand orchestre de jazz, qui est également captivant. Il faut dire qu’elle connut ses premiers grands succès, accompagnée par le grand orchestre de Lionel Hampton, ce qui est une référence !

Ses interprétations sont très « roots » et épousent parfaitement le phrasé et la voix un peu rauque de Bessis Smith, Dinah est très à l’aise sur un répertoire qu’elle sélectionne soigneusement pour éviter les reprises des succès de Bessie, préférant les titres plus provocateurs et confidentiels, présentant à son public une facette un peu moins connue de son icône.

On se régale donc avec « Send Me to the 'Lectric Chair », « Jailhouse Blues » ou « You've Been a Good Ole Wagon » représentatives de l’esprit qui anima Dinah lors de ces sessions, la discographie des rééditions propose cet album également sous un autre nom, « The Bessie Smith Songbook ».

L’enregistrement de ces faces s’est déroulé entre cinquante-sept et cinquante-huit, l’orchestre de Eddie Chamblee qui accompagne la chanteuse contient de grandes stars de l’époque, comme Clark Terry à la trompette, Quentin Jackson et Julian Priester au trombone et Eddie Chamblee lui-même au saxophone ténor.

Il faut également saluer l’effort de l’accompagnement, qui essaie de faire renaître le son « Dixieland » du début du siècle, avec particulièrement le rôle de tout premier plan des trombones, qui étaient alors l’instrument le plus en vogue, bien davantage que les saxophones. A l'arrière sur « Careless Love », par exemple, vers une minute trente.

After You've Gone
Send Me to the 'Lectric Chair
Jailhouse Blues
You've Been a Good Ole Wagon
Careless Love
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 24 avr. 2025 04:34

Image

Erik Truffaz, Patrick Muller, Marcello Giuliani, Marc Erbetta Featuring Nya – Bending New Corners – (1999)

D’après la discographie telle qu’elle se présente, avec les dates de sortie d’album, cet album serait son troisième sur Blue Note, label sur lequel il enregistre apparemment depuis ses débuts. Je suis un peu circonspect car je ne suis pas le franco-suisse depuis ses débuts, et il me semble qu’il soit possible que des enregistrements de jeunesse s’intercalent dans l’ordre apparent des choses, mais rien de grave…

Par ailleurs un grand nombre de titres, huit en fait, sont également présents sur l’album « The Mask », paru lui, en l’an deux mille, avec seulement trois titres nouveaux. Pour finir l’album de deux mille un « Revisité », contient également des titres présents ici, cinq, qui appartiennent également à « The Mask », de quoi avoir le tournis. Ceci dit, sans évoquer la « Silent Track », prélude au morceau caché.

La session d’enregistrement date des trois, quatre, cinq et six avril quatre-vingt-dix-neuf. Sur les autres albums pas d’indication de sessions. Ceci dit, ce n’est pas ce qui compte, peut-être une petite enquête à mener en temps et en heure.

Ce qui compte évidemment c’est la musique, ici très planante, atmosphérique, avec une solide rythmique composée d’une basse souvent hypnotique et d’une batterie très vive. Les claviers et les instruments électroniques tapissent un décor assez varié qui se meut au fil des pièces.

Le rappeur Nya est l’invité de cet album sur quatre pièces, mais ce pourrait être qualifié de « Spoken word » plus simplement, j’aime entendre sa voix et son phrasé, sur scène, quand il participe, il exerce une attraction magnétique et contrebalance la « présence » que manifeste le plus souvent le seul Truffaz.

Les autres musiciens sont Patrick Muller aux claviers, piano et Fender Rhodes, Marcello Guiliani aux basses acoustique et électriques et Marc Erbetta à la batterie et aux percus. La musique est très solide et les pièces bien charpentées, elles ont toutes un bel intérêt et l’album avance avec une belle qualité.

On ressent profondément l’influence de Miles Davis, très difficile à éclipser, tant dans la sonorité du trompettiste que dans celle du groupe, mais nous ne nous en plaindrons pas. Le côté funky qu’aimait Miles est bien présent, ainsi que ces claviers ambiants et ces riffs wah-wah qui découpent et strient. Il y a de la bonne énergie tout du long et funk, rap et ambiant font bon ménage.

Parmi les pièces, toutes bonnes, même le tendre « Betty » qui va, on pourrait remarquer « More », « Arroyo », « Bending New Corners », « Sweet Mercy » et « Minaret » qui dépassent légèrement.

Bending New Corners (feat. Nya)
Erik Truffaz - Sweet mercy - album Bending new corner.wmv
Arroyo
More
Siegfried (feat. Nya)
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 25 avr. 2025 03:36

Image

Éric Dolphy – The Illinois Concert – (1999)

Il faut bien reconnaître que dans ce petit coin on ne parle pas trop d’Eric Dolphy, ni même des légendes du free, mis à part quelques sorties tardives qui font l’actualité, ou d'autres enregistrements livrés à ma connaissance et que j’ai zappé par le passé. C’est que j’ai l’impression d’avoir fait le tour de ces grands musiciens et que je consacre moins de temps à les écouter, bien qu'ils ils formaient l’essentiel de mes écoutes, il y a désormais fort longtemps…

Ceci pour vous dire que je suis tombé sur cet enregistrement il y a peu, et que, dès que l’occasion s’est présentée, je l’ai chopé rapidos. Comme indiqué dans le titre c’est un enregistrement de concert. Il s’est déroulé le dix mars mille neuf cent soixante-trois à l'Université de l'Illinois à Champaign. Étaient présents Éric à la flûte, à la basse clarinette et au saxophone alto, Herbie Hancock au piano, Eddie Khan à la contrebasse et J.C. Moses à la batterie.

Il faut compter également avec l'University of Illinois Brass Ensemble pour « Red Planet » et par le University of Illinois Big Band pour le morceau final « G.W. ». L’enregistrement total frôle les soixante-dix minutes, c’est dense et copieux, l’enregistrement sur bande n’est pas si mal côté son, il devait servir à une diffusion radiophonique.

Comme souvent les bandes ont été oubliées, elles n’ont fait surface qu’en quatre-vingt-dix-neuf, lors d’un salon de discussion où elles ont été mentionnées. C’est Michael Cuscuna pour Blue Note qui édita l’enregistrement dans la foulée, et c’est heureux car la musique jouée ce soir-là est de haut niveau, on y entend un Éric Dolphy à son meilleur, avec une technique stupéfiante, en même temps qu’il est très inspiré. C’est un concert express qu’il enregistre entre deux sessions, à New -York, avec Freddie Hubbard.

Les habitués des concerts de Dolphy ne seront pas surpris par le répertoire, une superbe version de plus de vingt minutes du standard « Softly As In A Morning Sunrise » qui débute le concert, ensuite une version à la clarinette basse de « God Bless The Child » en solo nous est présentée, Éric la joue souvent, peut-être en pensant à Billie Holiday, ici elle est particulièrement remarquable.

Ensuite, Éric à la flûte interprète « South Street Exit » que l’on trouvait jusqu’alors sur l’album « Last Date » de soixante-cinq, il y est particulièrement virevoltant et en impose malgré que, cette fois-ci, l’enregistrement ne le serve pas, en effet le son de sa flûte semble éloigné. Herbie Hancock est lui particulièrement mis en valeur à l’avant.

Les deux pièces en grand ensemble ont été arrangées par Éric lui-même qui est ici dans un contexte tout à fait inédit.

Dolphy a été classé par Philippe Carles, dans un article qui est resté mythique, de « passeur », terme qui le définit magnifiquement, lui qui est celui qui fit, mieux que personne, le lien entre le hard bop et le free jazz, passant d’un monde à l’autre avec une facilité extraordinaire. Il a été également un bouillonnant compagnon pour Charles Mingus, mais aussi pour John Coltrane qui enregistra avec lui de grands et magnifiques albums.

Évidemment cet album ne remplacera jamais dans le cœur des fans les fameux concerts au Five Spot, toujours indépassables, mais restera tout de même un témoignage passionnant de cette année soixante-trois, au centre du début des sixties, période extraordinaire et féconde de l’histoire de la musique jazz !

Softly As In A Morning Sunrise (Live At The University Of Illinois/1963)
God Bless The Child (Live At The University Of Illinois/1963)
Red Planet (Live At The University Of Illinois/1963)
Iron Man (Live At The University Of Illinois/1963)
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 26 avr. 2025 01:36

Image

Yom & Baptiste-Florian Marle-Ouvrard – Prière – (2018)

Bien que l’apparence soit trompeuse, ils ne sont que deux, le premier est Yom, que l’on connaît déjà par ici, et le second Baptiste-Florian Marle-Ouvrard, avec son nom à couper en quatre, qui est titulaire des grandes orgues de l’Église Saint-Eustache à Paris et de Saint-Vincent à Clichy-la-Garenne. Il est également concertiste international.

« Prière » est une seule pièce de cinquante minutes, destinée à être jouée en une seule fois. Le Cd est fragmenté uniquement pour des raisons pratiques, cependant des titres ont été donnés aux dix parties qui constituent la suite. L’enregistrement s’est effectué avec les grandes orgues de la Philarmonie de Paris en octobre dix-sept, dans « La Grande Salle Pierre Boulez » qui bénéficie d’une acoustique d’exception, avant que ne soit donné un concert au festival « Jazz Sous Les Pommiers » à Coutances, dans la cathédrale Notre-Dame, bien sûr.

Nous connaissons l’influence première de la musique klezmer pour ce qui concerne Yom et sa clarinette, il nous subjugue dès la superbe « Incantation n°1 » qui ouvre l’album, et déjà on ressent la puissance de la musique sacrée qui est jouée, pourtant l’orgue, déjà monstrueux, ne fait que tisser sa toile avec tranquillité, tapissant un fond sonore.

Mais il arrive que l’orgue gronde et explose majestueusement, à côté de lui tout semble petit et c’est merveille que d’avoir su rendre à ce bel instrument toute sa puissance et sa majesté, même par l’intermédiaire d’un simple Cd. « Doute », et « Fatalité » qui prolonge, sont à cet égard très révélateurs et emportent avec facilité, nous voilà soulevés par une force terrible que vient taquiner la clarinette minuscule de Yom.

Mais la musique est ici prière et se veut par-dessus tout humaine, alors pourquoi pas la joie et la danse avec « Eyli ata » qui tourne comme un rondo qu’aurait pu imaginer « Marin Marais ». Il nous arrive d’évoquer la « spiritual music » et bien nous y voici, entièrement revendiquée, qui élève cette forme d’art au niveau le plus haut, celui du « sacré », de l’immatériel en même temps que spirituel et de l’universel, par-dessus les religions, musique klezmer orientale et musique sacrée européenne fusionnent et réconcilient.

On se souviendra que cette démarche spirituelle n’est pas nouvelle chez Yom qui en a jeté les bases lors de son album de deux mille-quatorze « Le Silence De L'Exode », on pourrait voir ici une sorte de prolongation, comme un aboutissement, bien que ce chemin n’ait pas de fin et se perpétue outre-mondes, en « Apothéose ».

Prière, pt. 1 (Incantation, no. 1)
Prière, pt. 2 (Pèlerinage)
Prière, pt. 3 (Méditation, no. 1)
Prière, pt. 7 (Eyli ata)
Prière, pt. 10 (Apothéose)
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 27 avr. 2025 03:25

Image

Jimmy Lyons / Andrew Cyrille – Something In Return – (1988)

Entre les deux qui sont là, on connait probablement mieux le second, Andrew Cyrille, que le premier, Jimmy Lyons, bien qu’ils soient du même acabit, de la même trempe. Jimmy Lyons a gagné une reconnaissance méritée en jouant aux côtés de Cecil Taylor, ceux qui n’écoutent pas de free-jazz ont pu passer à côté, c’est pourtant un musicien important.

Il est né en dix-neuf cent trente et un et appartient à une génération ancienne qui l’a forgé. Beaucoup de ces musiciens qui le côtoyèrent au temps du bebop, sont restés figés dans ce style, c’est la loi commune, il n’y a pas tant que ça de passeurs, de ceux qui enjambent les styles et restent à la pointe, en continuant d’évoluer, en quête d’une autre musique.

Jimmy Lyons est de cette espèce-là, à ceci près qu’il ne renie rien, car le be bop, son be bop, s’entend encore dans son jeu, là est toute sa spécificité, qui en fait un musicien remarquable et estimé par l’ensemble de ses pairs. C’est aussi ce qui attacha Jimmy Lyons à Cecil Taylor, l’un des destructeurs de mondes les plus fracassants du jazz.

C’est précisément cette qualité de rester debout, tel un pilier, qui attacha Lyons à la musique de Cecil, il savait suivre le flot et forcer la tempête tout en gardant ses repères, le compagnon idéal pour le pianiste, qui ne se sépara de Jimmy Lyons qu’à sa mort, dans la formation qui se nommait le « Cecil Taylor Unit ».

IL n’y a donc pas tant que ça d’enregistrements de Lyons en dehors du contexte Taylorien, mais il y en a, tous remarquables, comme celui-ci, ou le fameux « Other Afternoons » sur Byg Records. Il y a également le prestigieux « The Box Set », un coffret cinq Cds, sur Ayler Records, dont il faudrait que je vous parle.

Andrew Cyrille est évidemment un compagnon de voyage idéal pour le saxophoniste alto. Ils ont enregistré ensemble, avec Jeanne Lee au chant, l’album « Nuba » en soixante-dix-neuf. Cet album-ci est donc une continuation du partenariat qui les réunit, car ils aiment jouer côte à côte, à l’image d’un autre album qui paraîtra sous le nom de « Burnt Offering », en quatre-vingt-onze.

On connaît Andrew, celui qui fait chanter les tambours, davantage commentateur avisé que simple rythmicien, offrant les plus belles lettres de noblesse à son instrument, en l’élevant au rang de partenaire privilégié en matière d’improvisation, capable d’innovations renversantes.

Alors, forcément, cet album est avant tout formidable. Paru sur Black Saint, une perle du label.


Take The A Train
Lorry
J. L.
Something In Return
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 28 avr. 2025 03:58

Image

Emmanuel Bex – Eddy m’a dit – (2025)

Il est tout chaud, paru ce mois-ci, mais cette précision ne le rend que tout frais, alors qu’en fait il est également chaud, tout chaud, et même du genre bouillonnant, avec la vapeur qui se soulève comme un ouragan, bascule le couvercle et révèle l’amour-passion que « Bex », l’autre maître du « Hammond B3 » voue à Eddy… Eddy qui lui a dit…

Dix années qu’il est parti Eddy, alors, qu’a-t-il dit Eddy, à Bex ?

Ecoute, Ecoute et tu sauras, dès l’ouverture la première pièce raconte et révèle, « Dum Dum » maquée avec « Our Kind Of Sabi », les compos qui ont su séduire Stan Getz et tracer une tranche d’histoire. C’est Tristan le fils de Bex qui frappe les tambours et son pote Antonin Fresson à la gratte avec David "Batman" Taieb à l’électro, et déjà c’est grand et ça s’élève haut, neuf minutes grandioses !

Bon j’avance d’un grand pas vers le « tube » d’époque, en pièce cinq, que chantaient les enfants, autrefois, « Colchiques dans Les Prés », et remonte la ritournelle croquée par le violon de Pifarely, la batterie de Simon Goubert et Bex dans le rôle d’Eddy pour célébrer la pépite apaisante et champêtre.

Et puis, le premier hommage de Bex à Eddy, simplement appelé « Eddy », parce que ça suffit, et que Michell, de toute façon, ne se pointera pas. L’Eddy d’ici c’est Louiss et oh ! Les trois mêmes encore pour le faire revenir dans les têtes et les souvenirs, c’est qu’il a sa clique qui le suit, Eddy ! Ils sont là et ressuscitent le temps d’avant, quand il était pote avec Nougaro, et même Salvador, Eddy il avait le jazz en lui qui ne le quittait pas !

Et puis, et puis le second hommage de Bex, « Blues For Eddy », simplement magnifique, avec le fils Bex et son pote, et surtout le vénérable vocoder d’époque, celui-là même qu’Eddy Louiss utilisait pour interpréter « Blues For Klook » … [Frissons]

Et puis arrive la fanfare, il fallait au moins ça pour que l’hommage soit crédible et populaire, et bien en voilà deux, « La Fanfare De La Grande Soufflerie » et « La Fanfare Du Carreau » rameutée par le tromboniste fameux Fidel Fourneyron, qui franchit autrefois l’ultime étape de son parcours professionnel à La Havane, où il fréquenta ce qu’il y a de mieux et d’authentique pour gagner ses ultimes galons. Alors oui, ça souffle très fort pour « Come On DH » !

Les « caraïbes » encore avec le titre du même nom, Fidel, les deux Bex et Fresson, ainsi qu’Arnold Moueza aux percus, alors ça tourne et ça s’envole, comme une ritournelle encore, qui évolue dans l’espace en une sorte de tourbillon qui enveloppe, puis vous soulève, léger, comme une feuille qui se donne au vent, poussière sujette à la force des éléments…

Arrive le troisième hommage à deux, Bex et Minvielle qui racontent, « Eddy m’a dit », enfin savoir et comprendre ce qu’Eddy a dit, ça se passe ici, mais, vous vous en doutez, ça se dit avec le cœur ce qu’Eddy a dit, dans l’entre-mots et les onomatopées …

On se quitte avec « Español » et le fameux vocoder qui renaît de ses cendres.

Superbommage.


Dum Dum - Our kind of Sabi
Blues for Eddy
Come On DH
Romance
Eddy m’a dit
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 29 avr. 2025 07:05

Image

Billy Bang, Craig Harris, Henry Threadgill – Hip Hop Be Bop – (1993)

Malgré le menu alléchant, il n’est pas sûr que je vous recommande cet album, ni même que je ne vous le recommande pas, tant il est d’essence et d’extraction douteuse… Ce que l’on entend par ici ne ressemble pas trop au menu attendu, si ce n’est ce titre essentiel « Hip Hop Be Bop », si vous enlevez « be bop », vous y êtes !

Billy Bang déjà ne joue pas de violon mais compose, point. Henry Threadgill et Craig Harris sont bien là, le premier à l’alto, et le second au trombone, pas d’erreur, mais ils n’interviennent que de façon épisodique, un peu plus qu’occasionnellement il est vrai, mais à l’appui, ou à l’appoint, comme vous préférez.

Le guitariste Brett Allen est davantage présent, et c’est plutôt sympa, comme sur le reggae « Breeze » qui fait plaisir. Mais les vraies stars de l’album ont leurs noms écrits en petit, Wayne Providence et Prince Dominique qui rap et joue du hip hop, délivrent quelques séquences de « Spoken Word » comme sur « M’Am », mais sans le be bop qui « s’est fait la malle », comme dirait l’autre…

Bien sûr ce n’est pas nul et l’album passe plutôt agréablement, comme le second reggae qui termine l’album, « Breeze Dub » pour un second passage, histoire d’atteindre les trente-trois minutes, de façon poussive.

Bref, un truc bref !
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 30 avr. 2025 01:39

Image

The David S. Ware Quartet – BalladWare – (1999)

Nous sommes à l’été quatre-vingt-dix-neuf, David S. Ware et son quartet, viennent de terminer une tournée européenne, les voilà sur les genoux, tout s’est bien passé, et ils ont beaucoup donné. Mais voilà que les portes du studio s’ouvrent et qu’il va falloir fournir encore un peu…

Certes, le cœur est vaillant, le désir de bien faire également, mais les musiciens se concertent et optent pour une orientation un peu originale, plutôt que de puiser dans le reste d’énergie encore présente, mieux vaut se réunir autour d’un album de ballades et de quelques standards dont ils partagent les attraits et les charmes.

Ainsi naquit « Balladware », avec sa curieuse pochette champêtre, qui va si bien à cet album un peu bizarre, presque transgressif, quand on connaît le parcours du quartet. Le saxophoniste est entouré de ses fidèles, Matthews Shipp au piano, William Parker à la contrebasse et Guillermo E. Brown à la batterie. Chacun des membres présents connaîtra une réussite professionnelle hors-norme dans les contrées du jazz.

Ce qui aurait pu être un album « bouche-trou », ou de remplissage, s’avère en définitif une véritable pépite, touchée par la grâce, assez éloigné de l’univers habituel du saxophoniste qui offre, avec son quartet, une performance de tout premier ordre. Chacune des pièces présentes est tout simplement merveilleuse, habitée par un énorme feeling, tout en nuance et sensibilité.

Le répertoire contient donc les standards « Yesterdays » de Jerôme Kern, « Autumn Leaves » de Prévert et Kozma, « Tenderly » de Lawrence et Gross. « Dao », « Godspelized », « Sentient Compassion » et « Angel Eyes » sont, apparemment, de David S.Ware.

Ces titres sont bien souvent parsemés de « blues », cette sensation est renforcée par la façon dont Ware utilise son instrument en mangeant les notes, les transformant en un long glissando qui file sans marquer de pause ou d’arrêt. Ce long ruban sonore est assez fascinant, on pense alors à Shepp ou même à Coltrane, bien qu’ici il n’y ait pas de quête. Seul compte l’effet dans l’instant, même s’il est répété et forme une figure importante du style du saxophoniste.

Chacun est ici en grande forme, Shipp est presque romantique dans son approche, renforçant la coolitude en accentuant les effets de Ware. On ne les attendait pas à pareille fête, eux qui sont plutôt des « rentre-dedans », les voici tout en finesse et retenue, montrant de quoi ils sont aussi capables.

« Tenderly » en est un parfait exemple, d’ailleurs parfois on pressent qu’ils se brident, on pense qu’ils vont franchir le pas, y aller, « fendre l’armure » et se livrer en déferlante, en libérant l’énergie, mais que nenni, tout revient en ordre et se range, tout le charme est là, dans cette retenue habile et toujours sur la crète, comme une coque sur la vague qui jamais ne coule…

Yesterdays
Autumn Leaves
Godspellized
Tenderly
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 1 mai 2025 02:40

Image

Sonny Simmons – Ecstatic Nostalgia – (2007)

Encore un album de Sonny Simmons qui ne doit pas courir les rues, enregistré au format Cdr, quasi amateur, capté pendant la période française de Sonny, c’est-à-dire grâce à l’engagement quasi militant de Julien Palomo, pour l’amour du jazz et du respect que doit l’humanité au créateur de musique, pour qu’il puisse malgré tout, exercer son art et, si ce n’est pour être diffusé dans l’immédiat, qu’il ait au moins l’opportunité de le fixer, afin qu’il puisse traverser le temps.

Un rapide coup d’œil sur la discographie du saxophoniste établit à environ dix les cds enregistrés grâce à Julien Palomo, et parmi eux un quadruple Cd et un magnifique coffret de huit autres, ce qui est considérable.

Sonny seul, avec son saxophone alto ou son « cor anglais », de la famille des hautbois. Il n’y a qu’un minimum de renseignement sur cet enregistrement artisanal. Seule la qualité du son est préservée, enregistré dans la maison de Bruno Grégoire à Romainville, ou à la Galerie Apnée à Paris, en deux mille six, entre le premier et le quatre août, ou bien encore, le douze décembre pour la seconde date.

Ce sont des enregistrements strictement en solo, l’homme face à son outil, sept pièces sont alignées, dont « Exotic Study » qui s’étend sur dix-sept minutes, mais l’album tourne autour de l’heure et prend le temps. On y entend par deux fois « My favorite Things », une version courte de deux minutes et une autre de sept minutes et demie jouée au cor anglais. Il y a également une courte pièce signée Coltrane, « The Promise ».

Mais l’ombre de Coltrane n’est pas la seule à rôder, le Cd s’ouvre sur « Introduction : Ode to Thelonious Monk » histoire de convoquer les grands témoins de cette musique et de rendre hommage. Les autres pièces sont de Sonny Simmons. L’album se termine avec panache, après la seconde et très réussie reprise de « My Favourite Things », sont interprétées « Blues For Every Life » et « Out Of Love », deux pièces magnifiques qui terminent ce bel album.

C’est dans la misère qu’il mourut le six avril deux mille vingt et un, à l’hôpital « Beth Israel » de New York. Quand on cherche, dans cette belle Amérique, pour y trouver les plus belles choses qu’elle nous a léguées en matière d’art, très vite arrive le jazz et les musiques noires, qui sont pourtant nés de la discrimination, de la souffrance et de l’oppression. Sonny Simmons, n’est pas une exception, mais plutôt un maillon parmi d’autres, ignoré et même méprisé par le plus riche pays du monde, qui lui laissa le seul dénuement pour linceul.

Sonny Simmons - Ecstatic Nostalgia (mp3 - validité 3 jours - 139,8 Mo)
https://we.tl/t-UZshOGxmLb
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 2 mai 2025 03:30

Image

Jackie McLean – Jackie's Bag – (1961)

Ce qui caractérise cet album, c’est qu’il est construit sur deux sessions d’enregistrement différentes, avec deux groupes distincts. Chacune de ces sessions correspond à trois titres enregistrés sur chacune des faces. Seuls deux musiciens se retrouvent sur les deux faces, Jackie McLean et son saxophone alto, bien sûr, ainsi que Paul Chambers à la contrebasse.

La face A est la toute première qu’enregistre McLean pour le fameux label Blue Note, rien que pour ça il existe une petite touche historique. La session se déroula le dix-huit janvier cinquante-neuf. Donald Byrd joue de la trompette, Sonny Clark est au piano et Philly Joe Jones à la batterie.

Le titre d’ouverture est particulièrement remarquable, « Quadrangle » s’ouvre en effet aux modernisme free et plus particulièrement « Colemanien », enfin, sous la forme de quelques audaces qui, alors, pouvaient surprendre, Jackie bâtit un discours osé et risqué, juste un peu casse-gueule mais très brillant. Les deux autres pièces, « Blues Inn » et « Fidel » sont moins audacieuses mais néanmoins excellentes.

C’est pourtant la face B qui rafle la mise, lors d’une session organisée en septembre mille neuf cent soixante, avec, cette fois-ci, le saxophoniste ténor Tina Brooks en co-leader. Blue Mitchell est le trompettiste, Kenny Drew le pianiste et Art Taylor le batteur, avec Jackie et Paul c’est bien un sextet que l’on entend.

Entre ces deux sessions McLean a enregistré sur une sorte de chef d’œuvre, le fameux « Blues & Roots » de Mingus, où il excelle de tous ses feux. Ici il est également bien chaud, particulièrement sur « Appointment In Ghana » qui s’ouvre aux couleurs nouvelles et africaines. « A Ballad For Doll » enchaîne, un peu paresseuse et laissant pour un temps le hard bop de côté.

La dernière pièce se nomme « Isle Of Java » avec également une pointe d’exotisme et un Paul Chambers merveilleux. La pièce, très enlevée, est remarquable. Cette session ne se réduira pas à ces trois titres et d’autres de qualité égales paraîtrons sur l’album de Tina Brooks, « Back To The Tracks ». Il y a également un album japonais, « Street Singer » qui a regroupé tout ça en quatre-vingts, sous le nom de Jackie McLean & Tina Brooks.

Il se raconte que Serge Gainsbourg avait l’habitude d’écrire ses notes assis sur une chaise, avec posé sur ses genoux cet album qui lui servait d’écritoire, un usage qui aurait certainement étonné McLean !

Un excellent album donc, avec la qualité du son « Blue Note ».

Quadrangle
Blues Inn
Appointment In Ghana
Isle Of Java
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 3 mai 2025 01:35

Image

David Murray And The Gwo-Ka Masters Featuring Taj Mahal – The Devil Tried To Kill Me – (2009)

Où David Murray rencontre à nouveau la formation guadeloupéenne « The Gwo-Ka Masters », avec laquelle il avait déjà sorti l’album « Gwotet », en compagnie du vénérable Pharoah Sanders. Il en avait été question par ici. Il existe également un autre album, « Yonn-Dé », de deux mille deux, que je n’ai pas encore écouté.

Pour que la fête soit belle, et elle l’est assurément, un autre invité de prestige en la personne de Taj Mahal, apporte le velouté de sa voix, qui s’entend dès la seconde pièce, « Africa ». Ils sont une bonne dizaine de musiciens réunis pour participer à la célébration de cette rencontre, dont le batteur Renzel Merrit, venu de la West Coast, d’où vient Murray également, qui s’intègre petit à petit.

Après un passage à Ste Lucie pour régler les derniers petits détails, l’équipée débarque en Guadeloupe, à Pointe-à-Pitre, dans les Studios Deb’s. C’est là le lieu du rassemblement entre les Afro-américains et les Guadeloupéens, troisième rendez-vous pour jouer un mix de musique inédit au monde, une musique nourrie de ses multiples racines aux couleurs nouvelles, jusqu’alors restées inconnues.

Les raisons de ces rencontres ? Christian Laviso, le guitariste, explique : « Entre le Jazz et le Ka, il y a des tubes communicants […] Les Américains ont perdu le tambour, pas nous les Marrons. C’est ce qu’ils cherchent ici : les rythmes et les mélodies de l’ancestralité ».

David Murray prend bien garde à ne pas tomber dans le « revivalisme » et s’inscrit dans une musique actuelle ou même du futur. « Ce que j’ai trouvé en Guadeloupe, ce sont les tambours, leurs forces de percussion, mais aussi tout ce qu’ils racontent. […] Il faut se souvenir qu’ici ils ont été indépendants pendant près de dix ans, presqu’un siècle avant les Afro-Américains aux Etats-Unis. »

Alors sur cet album se mélangent toutes ces traditions et ces musiques diverses, en un melting-pot inédit et étonnant. Et puis il y a Taj Mahal qui chante avec sa merveilleuse voix, mais il est juste d’ajouter Sista Kee, chanteuse également extraordinaire, sur « Southern Skies » et le magnifique « « The Devil Tried To Kill Me » d’Ishmael Reed.

Alors c’est également funky, soul, et dansant, les tambours ancestraux sont réveillés et assurent une dynamique absolument infernale, qui permettent à David Murray de sortir les solos enfouis, vers la plus grande liberté, bien que, le plus souvent, il se fonde dans la masse. L’électricité est également présente, deux guitares et une basse sont branchées au flux maudit, et ça envoie… Mention également à Rasul Siddik et sa trompette, qui le mérite.

Kiama For Obama
Africa - David Murray & The Gwo Ka Masters feat. Taj Mahal (David Murray / Emory Douglas / Doctor L)
Southern Skies
The Devil Tried To Kill Me
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 5 mai 2025 02:55

Image

Philip Catherine – Guitar Groove – (1998)

Peut-être Philip Catherine est-il un peu oublié, pourtant il connut la reconnaissance du public dans les années soixante-dix et quatre-vingts. Sa mère est anglaise mais son père est belge, c’est pourquoi il a été reconnu en tant que guitariste belge. Il faut également signaler qu’il a été un compagnon de choix pour Chet Baker lors des enregistrements des excellents « Chet's Choice « et « Mr. B. ». Il possède une discographie très honorable, et cet album de quatre-vingt-dix-huit représente assez bien sa façon de vivre la musique.

Déjà la présentation de cet album est assez curieuse, il est séparé symboliquement en deux parties, la première se nomme Part A : Groove », et la seconde, « Part B : Quiet Moments ». Pourtant à l’écoute de cette première partie on ne sent rien d’enlevé ou de spécialement « speed », c’est du groove cool et extrêmement sage, ce qui correspond bien à sa personnalité pendant cette période.

Philip Catherine est un grand guitariste qui bénéficie d’une aura internationale, il a donc enregistré cet album à new York, avec rien moins que la rythmique de Wayne Shorter, ça assure donc grave. Jim Beard est donc aux claviers, Alfonso Johnson à la basse électrique, et Rodney Holmes à la batterie. Catherine est du genre appliqué, propret et calibré, et cela s’entend.

Il aime également les belles mélodies, le travail longuement préparé, la musique de Django et même celle de Georges Brassens ! La partie dite « groove » est donc assez soft, avec quelques belles mélodies comme sur « Sunset Shuffle » ou « To My Sister ». La partie vouée aux moments calmes s’ouvre avec l’unique reprise de l’album, une magnifique version du standard « Stardust », plutôt gracieuse, voire même touchante.

Catherine a donc apporté l’ensemble des autres compos, il rend un hommage à George Shearing sur « Hello George » et un autre à Weather Report à travers « For Wayne and Joe », vous trouverez les patronymes assez facilement…

On trouve également un poil de funk sur le titre d’ouverture « Merci Afrique », mais globalement le « jazz rock » d’autrefois est oublié, et l’album est plutôt traditionnel sans être conservateur dans l’excès, car on se régale vraiment, particulièrement dans la partie finale, avec les ballades et les trucs tendres qui fonctionnent particulièrement bien.

Un bel effort de la part d’un musicien qui mérite d’être écouté.

Merci Afrique
Stardust
Sunset Shuffle
Blue Bells
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 6 mai 2025 02:30

Image

David Linx – Real Men Cry - (2025)

On reste en Belgique avec David Linx le Bruxellois, dont je vous avais présenté, il y a pas mal de temps, « Be My Guest », ce qui fait peu d’interactions phonographiques sur ce fil, mais il y a également, dans ma mémoire, des traces de concert choppées sur Mezzo, assez nombreuses, il y a quelques années.

Il est vrai que David a bénéficié par son statut de voisin préféré, d’un accueil un peu privilégié, par les médias en général, mais évidemment il y a également le talent, qui ne s’arrête pas seulement au chant, le concernant, car il est également auteur-compositeur, mais aussi catalyseur de savoir-faire, car il sait, mieux que quiconque, bien s’entourer.

Les amis sont là, Gregory Privat au piano, Hermon Mehari à la trompette, Chris Jennings à la contrebasse et Arnaud Dolmen à la batterie, quatre musiciens d’exception réunis à l’Alhambra Studio de Rochefort pour crier ensemble que, oui, « Les Vrais Hommes Pleurent » !

Hermon Mehari est le dernier arrivé dans cette réunion de proches, sa trompette se tient en équilibre avec le son de la voix, et prend avec habileté la place qui lui est offerte, alors remontent les souvenirs de Chet Baker qui remplissait les deux rôles à lui seul, ou de Clifford Brown avec Helen Merrill…

Alors oui, c’est un album sentimental, tendre et même souvent intimiste, qui nécessite de la part de l’auditeur le goût des choses parfois un peu larmoyantes, ou tournées vers le temps qui est passé, avec la nostalgie qui remonte, les larmes sont aussi convoquées comme la manifestation visible de la sensibilité, ou de la gorge qui se serre lors des moments de tristesse, et que tout déborde, hormis la dignité, car, oui, « Les Vrais Hommes Pleurent » eux aussi !

Le chant est en anglais ce qui peut ressembler à une barrière, ou dirons-nous à une non-facilité, mais l’écrin est sous forme livresque et les paroles sont écrites à l’intérieur, pour une communion plus profonde. La forme est donc celle de chansons qui se suivent et s’enchainent, comme lors d’un récital, le jazz est encore là, par le jeu des accompagnateurs mais aussi de la voix qui figure un instrument à part entière.

Linx fête par cette sortie son arrivée dans la soixantième année, un âge certain pour le chanteur qui a conservé ses capacités vocales, ils sont assez peu sur ce créneau un peu ancien et formaté, comme les résistants d’un art passé, qui refuse de mourir et de laisser la place, car lutter est nécessaire tant qu’il reste des amateurs de ce genre un peu ancien, un peu kitch, mais tellement essentiel !

David Linx - Real Men Cry [Official Music Video]
David Linx - You’ll Always Be Tomorrow [Official Music Video]
The Growing Stone
It Ain't over Till It's Done
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 7 mai 2025 02:15

Image

Simon Goubert – Background – (2008)

On reste dans le même cousinage puisque Simon Goubert a participé à l’album d’Emmanuel Bex, en tant que batteur, instrument dont il joue le plus souvent, comme ici, mais Simon est également claviériste, ainsi il a joué entre quatre-vingt et quatre-vingt-sept dans le groupe « Offering » de Christian Vander, qu'il retrouve entre quatre-vingt-douze et quatre-vingt-dix-sept, toujours aux claviers, au sein des « Voix de Magma » puis de « Magma », et encore récemment, sur « Zëss (Le Jour Du Néant) ».

Concédons qu’on le voit mal piquer la place du bouillonnant batteur au sein de ce groupe mythique ! Pour Simon Goubert le coup de foudre est arrivé lors d’un concert à Rennes, en soixante et onze, où il fut subjugué par le jeu de Kenny Clarke qui jouait en compagnie de Slim Gaillard et Sam Stewart. Il a toujours ce concert en tête, et, ce soir-là, il déclara à son père, « « Je serai batteur de jazz ! »

Mais c’est également un bon compositeur, il est l’auteur de six des huit titres, « Hackensack » est de Monk et « Souvenirs d’Almati » est co-signé avec Michel Zenino. A l’écoute on réalise de temps en temps que c’est un authentique album de batteur, et ça régale, comme sur « C’est là, Quelquefois » ou « Souvenirs d’Almati », mais un peu partout, même discrètement, il brille avec finesse et efficience.

L’album se nomme « Background » et, à l’intérieur du livret, Simon prend le temps d’expliquer les différentes nuances de ce mot, je n’y reviens pas, mais un petit coup d’œil sur les musiciens qui l’entourent renseigne déjà sur sa fidélité, en matière de « background » !

Il y a Pierrick Pedron aux saxos alto et soprano, Boris Blanchet au sax ténor, Emmanuel Codjia à la guitare, encore un excellent guitariste français, Sophia Domancich est au piano, Michel Zenino à la contrebasse, quant au batteur je vous laisse deviner. L’album est paru en deux mille-huit sur le très regretté « Chant du Monde », l’un des labels les plus innovants qui ait existé.

On pourrait même ajouter qu’être présent sur ce label pouvait déjà attirer l’attention du curieux musical et le guider, car il n’y avait pas trop de nanars dans cette écurie, malgré un très vaste périmètre musical. Celui-ci, par son exemple, illustre parfaitement le propos.

Au titre des curiosités, il y a un hommage à Elton Dean. « Mister Dean », le célèbre membre de Soft Machine entre autres, qui fut un ami proche avec lequel il avait formé le groupe « Soft Bounds », on peut trouver l’album « Live At Le Triton 2004 », témoin de cette période, de ce background…

Un chouette album, avec une pièce finale un peu à la dérive, elle se nomme… « Background » !

***

Simon Goubert - Background.rar - 120 Mo - validité 3 jours

Lien de téléchargement:

https://we.tl/t-Ho6XqgE6g2
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4691
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 8 mai 2025 02:20

Image

Air – Air Mail – (1981)

Un album Black Saint, le quarante-neuvième de la série sorti par le label free italien, pourtant les « bandes son » ont bien été enregistrées à New York, au « Right Track Studio », le vingt-huit décembre quatre-vingts, la mondialisation en marche, déjà.

Air c’est un trio, constitué par trois formidables musiciens, tous les trois partenaires et amis. La musique qu’il joue est commune, souvent improvisée, à partir d’une idée, d’un concept partagé par l’un des membres, tous les trois figures importantes de l’AACM de Chicago.

Il y a Steve McCall, c’est le batteur et joueur de clochettes, il propose le premier titre de l’album, « B.K. », « A dedication to a beautiful woman, Bobbie Kingsley », l’album regroupe en effet trois hommages, chacun émis par l’un des sommets du triangle.

Il y a également Fred Hopkins, c’est le contrebassiste, il compose « R.B. », « A dedication to Ronnie Boykins who died in 1980, about his brand of strengh and serenity. » Ce dernier a longtemps joué aux côtés de Sun Ra où il s’est avéré être un musicien exceptionnel, qui tenait l’équilibre de la formation de ses seules mains puissantes. Il n’a enregistré qu’un seul album sous son nom.

Le troisième musicien du trio n’est autre que qu’Henry Threadgill, il joue des saxs alto et ténor, de la flûte et de la flûte basse, ainsi que du hubkaphone, instrument unique dont il est le seul joueur sur la planète, dont la structure est basée sur des enjoliveurs de voitures empilés et frappés. La pièce qu’il présente se nomme « C.T., J.L. », « A Thank You note to two very great influentials artists, whom I will always be grateful to, Cecil Taylor and Jimmy Lyons. »

Cet album à trois est une petite merveille ciselée d’une grande beauté, elle échappe à ce que quelques-uns appellent les excès du free, comprendre qu’ici il n’y a pas trop de grandes envolées débridées ou destructrices. La pièce de Threadgill est certainement la plus déstructurée mais elle tient debout tout du long et s’avère être un grand moment, si on s’accroche un tant soit peu.

L’album n’est pas énormément long mais obéit aux standards de l’époque, environ trente-sept très belles minutes qui filent joliment. La seconde pièce « R.B. » d’Hopkins nous permet d’écouter le fameux hubkaphone de Threadgill qui dialogue avec la contrebasse, un zeste de fureur percussive, puis de calme, qui se termine en embardée dans le resplendissant final.

La pièce d’ouverture, « B.K. » est également très addictive avec cette flûte baladeuse et virevoltante bien soutenue par l’incroyable Ste McCall, vraiment énorme, qui apporte une énergie considérable. Je ne sais pas si on a besoin de toute cette musique qui encombre le monde, mais, c’est sûr, la musique d’Air est indispensable, grâce à elle on respire un peu mieux !

B. K.
R. B.
C. T. J. L.
We will dance again...

Répondre