J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 14 juil. 2024 03:51

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Brötzmann, Uuskyla, Friis Nielsen – Live At Nefertiti – (2001)

Je continue l’exploration de la discographie des premiers albums parus sue le label « Ayler Records », et voici, après le Noah Howard, le « Live At Glenn Miller Café » d’Arthur Doyle et Sunny Murray que je vous ai présenté il y a quelques temps, arrive ensuite ce trio de vétérans si j’ose, à nouveau pour un concert « Live at Nefertiti », un jazzclub de Gothenburg (Göteborg), en Suède, qui a été donné le treize mars quatre-vingt-dix-neuf.

Du costaud et du massif encore, soixante et onze minutes de free au compteur, de quoi ressusciter la musique révolutionnaire des anciens, Albert Ayler, Ornette Coleman, John Coltrane et Cecil Taylor, pour citer les têtes de gondole. D’ailleurs Peter Brötzmann, le précurseur européen, mériterait également sa place au côté des quatre…

Peter joue du ténor, mais également du Tárogató et de la clarinette, Peter Friis Nielsen de la basse électrique et Peeter Uuskyla de la batterie. L’enregistrement est d’excellente qualité, il dépasse même le Noah Howard sur ce critère, et l’énergie s’échappe de tous côtés. La date est importante également, elle présente un Brötzmann à maturité, fort et puissant, impressionnant même par son amplitude et l’assurance qu’il dégage, bien propulsé par une rythmique de qualité, qui envoie sévère.

Le répertoire se construit autour d’une suite conçue par Brötz, en quatre parties, elle se nomme « Nidhog » et se place de façon un peu désordonnée sur le Cd. D’abord les titres un et deux, puis « Third Sun » de Uusyla qui s’étale sur plus de vingt minutes intenses, ensuite la partie trois de la suite ou Brötz joue du Tárogató, puis « Off Sight » de Friis Nielsen, et enfin « Nidhog 4 » qui termine et la suite, et l’album.

Les rythmiciens sont énormes et réussissent à soutenir la hargne de Brötz à l’avant qui souffle sans compter, déchirant tout, avec un engagement total, on ressent la puissance physique du souffleur et son engagement total, jusque dans le cri sur le torride « Third Sun » qu’il illumine de sa force et de sa bravoure, tel un guerrier des temps anciens allant au sacrifice pour Odin et son banquet…

L’album est hautement recommandable, les amateurs de free y trouveront leur compte, il faut également remercier Jan Ström qui lança son label sur les meilleurs rails qui soient.

Concernant la numérotation liée aux sorties Cd, il ne faut pas oublier que, sur ce label, pas mal d’enregistrement ne sont sortis qu’au format dématérialisé, on l’espère, en attendant mieux, mais rien ne laisse entrevoir une telle issue cependant…

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 15 juil. 2024 05:11

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The Ex & Guests – Instant – (1995)

L’album se présente sous la forme d’un double Cd, la pochette est en carton assez épais et la couverture est du genre magnifique. La formation « The Ex » est plutôt bien connue aux oreilles des amateurs un peu « cherchants », il s’agit d’un groupe Néerlandais formé par Terrie, Luc, Andy, Katrin et Han Buhrs, tels qu’ils se présentent sur le Cd. Terrie Hessels joue de la guitare, Andy Moor également, Luc Klaasen est plutôt le bassiste, Han Buhrs qui chante et joue d’un peu tout, Katrin Ex de la batterie et du chant.

Il faut tempérer tout ça, car tout le monde joue un peu de tout, particulièrement des percussions, et, au fil des compos, les formations évoluent considérablement, des duos, trios ou autres configurations se forment, jusqu’au quintet, d’autant qu’il y a quelques invités de renom.

Ab Bars au saxo, Han Bennink à la batterie et aux percus, Tristan Honsinger au violoncelle, Michael Vatcher batteur percussionniste également et Dolf à la guitare acoustique. On le voit ce projet n’est vraiment pas comme les autres, il est voué au partage et aux échanges à partir de bases essentiellement improvisées, au total trente-deux pièces se suivent et sont présentées, seize pour chaque Cd.

On ne peut pas vraiment parler d’unité de style, car chaque pièce possède sa personnalité, selon la qualité, au sens noble, des participants. Ainsi on franchit des caps et des zones, mais toujours au sein des musiques libres. Ainsi certains titres seront plutôt folks, mais pas trop, ou tribaux, voire même essentiellement percussifs, ou encore très free ou même noisy, on décèle également de l’overdubbing ici ou là…

Mais ce qui surnage c’est une variété de couleurs, de timbres, de rythmes, dans une succession essentiellement instrumentale, tout au long des soixante -dix minutes que dure la musique enregistrée, nous sommes en quatre-vingt-quinze et il fallait bien deux Cds pour tout contenir.

Chaque vignette possède sa singularité, et nous voyageons un peu comme dans un rêve, de surprise en surprise, au milieu des éléments, d’un espace à l’autre, la richesse des percussions autorise des sauts de puce à travers le monde, l’impression de découvrir sans cesse de nouveaux univers, de nouvelles cultures.

L’histoire veut que The Ex ait connu une vie « Punk » avant de se confronter aux musiques autres, pourtant cet esprit originel est toujours là, on le retrouve dans les démarches libertaires, cette révolte qui est toujours présente, anticonformiste et résolument différente. Les pièces ici vont de quarante secondes à quatre minutes, des durées courtes, typiques du genre d’origine.

Un superbe album pour ce groupe dont la devise est « Tout est permis ! »

Je poste les deux extraits que j'ai trouvés...

Knit Knack & Zoom


Duo Tonebone & Hitgit
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 16 juil. 2024 00:52

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Jason Robinson – The Two Faces Of Janus – (2010)

Jason Robinson n’est certainement pas le plus connu des souffleurs, mais il sait s’entourer, et cet album prouve qu’il ne manque pas de talent. Il joue des saxophones ténor et soprano, ainsi que de la flûte alto. C’est également un compositeur plutôt doué, il signe toutes les compos, dont deux où il est co-auteur avec Marty Ehrlich, ce sont en effet lors de deux duos qu’ils se retrouvent.

Ce dernier est un invité de l’album, ainsi il participe à cinq pièces sur les dix qui sont jouées. Il joue du saxophone alto et de la clarinette basse. Sinon le quartet de Jason Robinson est complété par l’excellent guitariste Liberty Ellman, le contrebassiste Drew Gress et le batteur George Schuller.

Il y a un autre invité sur trois pièces, en la personne de Rudresh Mahanthappa au saxophone alto, un musicien que je vous ai déjà présenté par ailleurs. On comprend qu’ici il ne manque ni de grands ni bons musiciens ! Le cd contient soixante-seize minutes au compteur, répartis sur dix titres.

C’est un jazz qui se tient bien, qui prend ses racines dans un post-bop souvent bousculé par les improvisateurs qui s’en donnent à cœur joie, ainsi il y a des coups de folie qui traversent l’album, laissant une belle place à l’audace et au risque, on apprécie les souffleurs mais également Liberty Ellman qui nous régale avec des solos de guitare toujours bienvenus.

Janus, le dieu romain aux deux visages exprime la dualité et le changement. Ainsi il regarde à la fois vers le passé et l’avenir, ce qui pourrait convenir avec ce qu’on entend, mais aussi la dualité côte ouest/côte est, qui s’impose aux musiciens qui ont dû traverser le pays pour enregistrer la musique sur le Cd, après en avoir préparé l’ensemble en Californie.

Il y a pas mal de chouettes pièces comme le titre d’ouverture, « Return to Pacasmayo » ou « Persephone's Scream » avec Rudresh Mahanthappa, ou le lancinant « Tides of Consciousness Fading » tout en tension. Le titre final « The Twelfth Labor » est également de bonne facture, fermant un bel album où, en définitif, on ne se prend pas trop la tête, malgré le titre…

Jason Robinson - Return to Pacasmayo


Jason Robinson - The Elders


The Two Faces Of Janus


Huaca De La Luna
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » mar. 16 juil. 2024 18:32



Roy Werner "Imagine my surprise" (2023)

Sorti sur l'excellent label Moon Glyph, ce 1er album s'aventure sur des terrains électroniques, parfois percussifs, où la nonchalance a toujours le dessus. Un côté 4th world sûrement.
A noter la participation du très coté Patrick Shiroishi aux saxophones

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 17 juil. 2024 03:14

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Graham Collier Sextet – Down Another Road – (1969)

Il en est du jazz britannique comme du jazz européen, il lui faudra un peu de temps pour voler de ses propres ailes, et c’est bien normal. En ces années soixante, Graham Collier peut être affublé du terme de précurseur, attaché qu’il était à conserver cette identité spécifique de musicien européen, tout en regardant le modèle américain.

Cet enregistrement fait partie de ses premiers, après « Deep Dark Blue Centre » de soixante-sept, me semble-t-il… Son prédécesseur était interprété par un septet, celui-ci, plutôt formidable, est à mettre sur le compte d’un sextet. Graham est le compositeur de cinq titres, « Lullaby for a Lonely Child » est le seul à échapper à la voix de son maître, signé par Karl Jenkins, qui brilla également au sein de Nucleus et de Soft Machine.

Ce dernier joue du piano et également du hautbois, Harry Beckett joue du bugle, Stan Sulzmann des saxos ténor et alto, Nick Evans du trombone et John Marshall de la batterie, Graham tient également la contrebasse et dirige l’ensemble avec une maestria dont seuls disposent les plus grands, comme Gil Evans, Charles Mingus ou George Russell, il est de cette trempe-là.

Ses talents d’arrangeur sont exceptionnels et sa capacité d’organisation assez unique, il n’a pas son pareil pour modeler un cadre, le changer ou le faire évoluer à sa volonté, quasiment en quelques secondes, même si l’opération paraît casse-gueule, avec lui, ça passe ! Chacun des musiciens de son orchestre est un expert, car il faut de grands talents pour faire de grandes choses.

Pour la petite histoire ce disque en version originale coûte une blinde car il s’en vendit alors très peu, si vous en possédez un exemplaire, prenez-en grand soin. Tout est bon ici, mais il y a une pièce fameuse qui brille et par sa flamboyance et sa durée, « Danish Blues » qui arrive en second, après « Down Another Road ». Elle est remarquable pour la brillance de ses solistes, tous mis en excellente disposition par le sorcier Graham qui sait y faire…

Certes à la même époque miles Davis inventait une musique nouvelle, avec « In a Silent Way » et l’ombre de « Bitches Brew », ici nous n’y sommes pas, pourtant on sent une légère influence rock dans les arrangements, mais surtout ce qui s’entend ici est d’une incroyable maturité et d’une très grande précision.

DOWN ANOTHER ROAD GRAHAM COLLIER SEXTET


Graham Collier Sextet - Danish Blue


Graham Collier: "The Barley mow" from album "Another Road" - 1969.wmv


GRAHAM COLLIER (R.I.P) ABERDEEN ANGUS.wmv
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Message par Douglas » jeu. 18 juil. 2024 01:56

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Zoh Amba Featuring William Parker & Francisco Mela – O Life, O Light Vol. 1 – (2022)

Evoquée il y a un mois ou deux par Homeward, voici un album de Zoh Amba, le volume un d’un trio formé par la saxophoniste ténor, ici également flûtiste, accompagnée par William Parker à la basse et Francisco Mela à la batterie. Il y a pire entourage concèdera-t-on.

La version vinyle est parue en deux mille vingt-trois, fabriquée en République Tchèque, sous label « 577 Records ». Pour le reste l’enregistrement s’est déroulé à New-York, mais l’album est un peu léger côté durée d’enregistrement. La première pièce, « Mother’s Hymn » est directement sous l’influence du grand Ayler, comme une longue plainte qui s’étire et geint, portée par l’énorme jeu de basse de William Parker qui impose sa gravité avec une justesse remarquable.

La pièce frôle les quatorze minutes et la face se clôt avec « XI » la « Bonus track » présente uniquement sur le vinyle, elle dure deux minutes et quarante secondes. Face B on ouvre avec « O Life, O Light » qui donne son titre à l’album, un peu plus de huit minutes pendant lesquelles l’exploration de la planète « Ayler » se poursuit, ils ne sont pas si nombreux les jeunes musiciens à s’inscrire dans ce sillon si risqué, étrange et typé.

Du coup je ne cache pas ma joie et mon intérêt, tout en saluant l’artiste et le mythique Francisco Mela, si habile derrière les futs, tout en commentaire et distinction, il ne craint pas non plus, avec la caisse claire de signifier les marches, comme aimait feu Albert. Le cubain apporte de la richesse et de la fantaisie, bien que la tristesse soit la couleur dominante sur cet album.

La pièce suivante « Mountains in The Predawn Light » dépasse les dix minutes, Zoh Amba y joue de la flûte, ce qui apporte une certaine légèreté et même une certaine sérénité plutôt bienveillante. On retrouve cette influence folk qu’elle a cultivé dans les Appalaches, là où elle a grandi, avant de devenir l’élève de David Murray, un autre admirateur d’Albert Ayler.

La dernière pièce est encore un « Bonus » de la version vinyle, apparemment, une minute et trente-quatre secondes du feu Aylerien, encore et encore, ça passe très vite, et l’album également qui reste en deçà des trente-sept minutes, ce qui est un peu short aujourd’hui, heureusement qu’il a des « bonus » !

J’essaierai à l’occasion de me procurer le second volume, car l’envie est bien là.

Mother's Hymn
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 18 juil. 2024 10:06

Pour tirer un peu le fil...
Douglas a écrit :
mar. 31 déc. 2019 15:16
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Le Don Rendell/Ian Carr Quintet a déjà été évoqué sur le fil avec un extrait de Dusk Fire. « Shades of Blue » est l’album qui le précède, et même le premier sous le nom du duo, bien que ces deux là se côtoient depuis déjà pas mal de temps. Voici la liste des participants à la session : Don Rendell au ténor et au soprano, Ian Carr à la trompette et au bugle, Colin Purbrook au piano, Dave Green à la basse et Trevor Tomkins à la batterie.

L’album est enregistré en soixante-quatre et sorti l’année suivante en Angleterre, semble-t-il avec un tirage assez petit, ce qui en explique la rareté. Il baigne dans une ambiance qui rappelle immédiatement les enregistrements de Miles Davis de la fin des années cinquante, le nom de l’album lui-même évoque « Kind of Blue ». On peut penser aux « Blue Note » également qui sortent dans les années soixante en s’ouvrant doucement aux rythmes des îles, ou bien encore à Chet baker…

L’album est joli et bien foutu avec du bleu partout, « Blue Mosque » signée du pianiste, « Latin Blue » et le chouette « Just Blue » de Don Rendell et « Blue Doom » écrite par les deux leaders et d’autres titres encore parmi lesquels la chanson titre « Shades of Blue » et là, tout à coup, on change de catégorie…

Dès les premières notes du piano et de la contrebasse on sent que quelque chose se passe… Ça s’appelle une pépite, il y en a un peu partout, mais quand on en découvre une, ça rend heureux, ça peut aussi accélérer les battements du cœur, un peu, mais là ça dépend de chacun, on peut également passer à côté sans rien remarquer, ou bien encore tellement l’écouter qu’elle se banalise et ternit...

C’est un certain Neil Ardley qui l’a composée, il l’a également enregistrée sous le nom du New Jazz Orchestra en 1965, sur l’album « Western Reunion London 1965 ». Il enregistrera aux côtés de Ian Carr dans les années soixante-dix.

Blue Mosque


Don Rendell - Ian Carr Quintet - "Just Blue"


Don Rendell & Ian Carr Quintet - Shades Of Blue
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 24 juil. 2024 01:33

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Steve Lacy Sextet – The Gleam – (1987)

Il y a comme ça parfois des cycles qui rythment la vie, des phases qui se définissent après un changement, un tournant, un bouleversement. C’est un de ces trucs que je traverse, bien qu’il soit un peu tard pour moi, juste faire au mieux avec ce qu’il me reste, et puis au milieu de tout ça, comme une éclaircie, une oasis où se reposer, sous la forme de cet album, arrivé là un peu par hasard, enfin, en apparence, car de hasard il n’y a pas, il était juste sur le chemin, comme une fleur à cueillir, après que les graines aient été plantées, il y a bien longtemps…

L’écoute de cet album m’a fait du bien, même si ça se passa en voiture, inopinément, à la suite d’autres découvertes sans doute aussi grandioses, mais celui-ci trancha. Je puis dire même qu’il me ressourça, je pense que c’est lié aux codes, à la fréquentation, déjà ancienne pour moi, des œuvres de Steve Lacy. Ainsi des reprises, essentiellement, mais observées par les musiciens comme un matériau à reconstruire, peaufiner, redonner vie au stagnant, le repenser et l’animer.

Du stimulant avec la fine équipe de Lacy, des amis, des proches, et sans doute davantage encore. Tous animés de la même envie de jouer et de créer, encore et encore, sans fin, ils se côtoient depuis une bonne décennie et se comprennent sans avoir besoin de formuler, ils se devinent et le regard suffit, ou le sourire qui va, aussi…

Steve Lacy est le génie du saxophone soprano, Steve Potts joue du saxophone alto et également du soprano, inutile de préciser qu’il est bon, Irène Aebi chante et joue du violon, c’est aussi la compagne de Steve Lacy, je n’insiste pas sur sa façon de chanter, elle me semble accessible ici, mais je crois que, tout comme Steve Lacy, je l’aime. Bobby Few est au piano, lui aussi l’un des meilleurs au monde, mais, justement, peu de monde s’en est encore aperçu, Jean-Jacques Avenel est à la basse, la fidélité faite homme, et la classe également, et, pour finir, Oliver Johnson à la batterie. Le sextet idéal pour chacun des membres, c’est pour ça que le bonheur respire ici.

C’est un album « Silkheart Records », en conséquence il mesure cinquante-huit minutes, tout près du quintal, car chacun sait qu’ici le quintal est à soixante, les mathématiciens, experts en nombres sexagésimaux vous le confirmeront.

J’aime chaque seconde qui passe au fil des six titres, de « Gay Paree Bop » à « Napping (Take2) », car il y a deux versions, en passant par « The Gleam », « As Usual » et « Keepsake ». L’enregistrement s’est déroulé entre le seize et le dix-huit juillet quatre-vingt-six à New-York, le label suédois a probablement sorti l’album peu après ses débuts, car celui-ci porte le numéro « SHCD 102 », ce qui pourrait signifier que, dans l’ordre des parutions, il serait le second du label.

Gay Paree Bop


Napping (Take 1)


The Gleam


As Usual


Keepsake
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 10 août 2024 01:17

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Stan Getz And The Oscar Peterson Trio – Stan Getz And The Oscar Peterson Trio – (1957)

Avec cet album on peut parler de « jazz classique », un jazz agréable, et même très, presque sans surprise, avec ce truc qui tourne rond, avec une incroyable dextérité, tout y est attendu, sauf, probablement le côté encore frais et innocent de cette musique qui s’adresse et au cœur et à la mémoire…

Stan Getz a trente ans, plutôt côté début question carrière, si on regarde dans le miroir. C’est un disciple de Lester Young, c’est ainsi qu’on le classe, Lester fut autrefois le père de ce mouvement que l’on appela « cool », dans lequel trempa également Miles Davis par exemple. Mais il faut bien le reconnaître c’est côté « blanc » qu’arrivèrent le gros des troupes avec Zoot Sims, Warne Marsh, Lee Konitz, Lennie Tristano, Art Pepper, Chet Baker… et tant d’autres !

Stan Getz fait partie de ces saxophonistes qui possèdent un son unique, immédiatement identifiable, quand on l’entend on se dit : « Tiens, c’est Stan Getz ! » Très vite il a été reconnu, mais sa carrière connut un sommet commercial avec le mariage réussi qu’il concrétisa avec ses albums autour de la « samba », au début des années soixante, et plus particulièrement le célèbre « Getz / Gilberto » en compagnie du musicien brésilien Joao Gilberto.

Oscar Peterson semble sans âge, comme quelqu’un qu’on a toujours connu et dont on sait le nom, c’est un pianiste canadien, ce qui le caractérise et le met un petit peu à part. Rarement cité comme référent, c’est pourtant une montagne, un exemple et un formidable musicien, sûr de lui, il n’a aucune prétention et se contente de jouer à sa manière, comme il sait faire, sans chichi…

Ces deux décontractés sont fait pour se rencontrer, au moins une fois, dans une vie. Ça se passe en cinquante-sept, un dix octobre, l’enregistrement est mono, comme souvent encore, en ces années-là. Sept titres seront alors gravés et sortiront sur Verve Records, que du bon son ! Mais en réalité quatre autres titres seront enregistrés qui feront les choux gras des rééditions successives, proposant près de soixante-trois minutes de musique !

Il y a de tout, des reprises, des titres de Stan Getz, trois au total, et même un « medley » avec une série de ballades qui stationnent à la fin de la face A de l’original, pour une durée de dix minutes et dix secondes. Tout au long de ces prises, le son du saxophone de Stan Getz est chaud, avec une douceur sans pareil, très sensuel mais sans être flottant, avec une sorte d’inertie qui caresse et offre une tonne de tendresse, un truc unique dont il est le seul possesseur.

Outre Stan et Oscar, il faut également citer l’incroyable Herb Ellis à la guitare et le fameux Ray Brown à la contrebasse. On se souvient que le trio d’Oscar ne comportait pas de batteur.

Un chef d’œuvre du genre…

Stan Getz & The Oscar Peterson Trio - I Want To Be Happy


Ballad Medley


I Was Doing All Right


I'm Glad There Is You
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 11 août 2024 02:02

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Nils Petter Molvær – Khmer – (1997)

Une drôle d’aventure cet album, il ne m’a pas quitté ce mois de juillet, installé dans le lecteur Cd de mon tas de ferraille qui tient encore la route et enfile les kilomètres sans broncher. Aussi je l’ai beaucoup écouté car j’ai pas mal roulé, mais il y avait, il faut bien le reconnaître, comme une supercherie qui s’est glissée dans l’ordonnancement des éléments, une farce du destin…

Je l’ai acheté d’occase il y a pas mal de temps, et, comme je tiens le cap comme un matelot de pacotille, je l’ai cru double. Ce n’est que maintenant que je m’aperçois de mon erreur. Le gars qui me l’a vendu a glissé, en plus de « Khmer » un autre Cd sur le téton. Comme il m’est arrivé de me procurer des doubles cd arrimés sur le même embout, cela ne m’a pas surpris et je pensais l’album double.

C’est en effet une erreur, l’autre album est également un Cd de Nils Petter Molvær, « Recoloured », sorti en deux mille un. J’avais bien noté une évolution entre les deux albums, mais sans penser un instant que quelques années les séparaient. Mais cela ne change rien à l’engouement que me procurent ces deux superbes albums.

Le premier d’entre eux, Khmer » donc, est une pépite sortie sur ECM, très dans la lignée du label côté son, la signature est présente. Pourtant il faut ajouter d’autres éléments qui font de cet enregistrement un album rare et tellement de son temps. Les guitares d’Eivind Aarset, Roger Ludvigsen et Morten Mølster qui apportent un souffle un peu rock et ajoutent un côté planant, en même temps qu’une touche électro et orientale, car les samples, la talk Box et le dulcimer s’agitent également entre leurs doigts.

Il faut compter également avec Ulf W. Ø. Holand et ses samples, ainsi que Reidar Skår qui ajoute des effets et des traitements au son, vous l’avez compris nous baignons dans un bain d’électro savamment entretenu. Et si on ajoute le génial Nils Petter Molvær et son jeu de trompette assez saillant qui, lui aussi, se métamorphose au fil de l’album, nous sommes face à un véritable coup de maître.

Reste à évoquer « Recoloured », sous-titré The Remix album où Nils se souvient de Miles Davis tout du long, sans jamais le copier, redonnant à cette période électrique, superbe et pleine de folie, un hommage appuyé. L’album est moins « World » et Nils a quitté ECM, pourtant l’opus est considérable et ne cède en rien en qualité à « Khmer », ne concédant que des thèmes parfois un peu faciles, mais ce faisant, ne suivait-il pas les pas du maître ?

Deux albums considérables pour le prix d’un…

Nils Petter Molvaer - Khmer


Nils Petter Molvaer - On Stream


Nils Petter Molvær - Access / Song of Sand I


Nils Petter Molvaer - Exit
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par whereisbrian » dim. 11 août 2024 17:14

Douglas a écrit :
dim. 11 août 2024 02:02
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Nils Petter Molvær – Khmer – (1997)

Une drôle d’aventure cet album, il ne m’a pas quitté ce mois de juillet, installé dans le lecteur Cd de mon tas de ferraille qui tient encore la route et enfile les kilomètres sans broncher. Aussi je l’ai beaucoup écouté car j’ai pas mal roulé, mais il y avait, il faut bien le reconnaître, comme une supercherie qui s’est glissée dans l’ordonnancement des éléments, une farce du destin…

Je l’ai acheté d’occase il y a pas mal de temps, et, comme je tiens le cap comme un matelot de pacotille, je l’ai cru double. Ce n’est que maintenant que je m’aperçois de mon erreur. Le gars qui me l’a vendu a glissé, en plus de « Khmer » un autre Cd sur le téton. Comme il m’est arrivé de me procurer des doubles cd arrimés sur le même embout, cela ne m’a pas surpris et je pensais l’album double.

C’est en effet une erreur, l’autre album est également un Cd de Nils Petter Molvær, « Recoloured », sorti en deux mille un. J’avais bien noté une évolution entre les deux albums, mais sans penser un instant que quelques années les séparaient. Mais cela ne change rien à l’engouement que me procurent ces deux superbes albums.

Le premier d’entre eux, Khmer » donc, est une pépite sortie sur ECM, très dans la lignée du label côté son, la signature est présente. Pourtant il faut ajouter d’autres éléments qui font de cet enregistrement un album rare et tellement de son temps. Les guitares d’Eivind Aarset, Roger Ludvigsen et Morten Mølster qui apportent un souffle un peu rock et ajoutent un côté planant, en même temps qu’une touche électro et orientale, car les samples, la talk Box et le dulcimer s’agitent également entre leurs doigts.

Il faut compter également avec Ulf W. Ø. Holand et ses samples, ainsi que Reidar Skår qui ajoute des effets et des traitements au son, vous l’avez compris nous baignons dans un bain d’électro savamment entretenu. Et si on ajoute le génial Nils Petter Molvær et son jeu de trompette assez saillant qui, lui aussi, se métamorphose au fil de l’album, nous sommes face à un véritable coup de maître.

Reste à évoquer « Recoloured », sous-titré The Remix album où Nils se souvient de Miles Davis tout du long, sans jamais le copier, redonnant à cette période électrique, superbe et pleine de folie, un hommage appuyé. L’album est moins « World » et Nils a quitté ECM, pourtant l’opus est considérable et ne cède en rien en qualité à « Khmer », ne concédant que des thèmes parfois un peu faciles, mais ce faisant, ne suivait-il pas les pas du maître ?

Deux albums considérables pour le prix d’un…

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Nils Petter Molvær - Access / Song of Sand I


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Kkmer, acheté à sa sortie et joué jusqu'à la trame!

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » lun. 12 août 2024 15:55

Idem ici !
Des années que je ne l'ai pas écouté.

Il avait fait son petit carton dans le microcosme "Rock Indé angevin qui voulait écouter autre chose"

Dans la même lignée de Jazz aux touches d'électronique fait par un norvégien, l'album "Conception of Jazz" du Bugge Wesseltoft en 1996 avait également eu son petit succès. J'imagine que vous l'appréciez aussi ?

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 15 août 2024 04:44

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Omar Sosa & Seckou Keita – Suba – (2021)

Omar Sosa est un pianiste cubain aujourd’hui à la tête d’une abondante discographie. Sa musique consensuelle et habile se drape de couleurs locales et d’influences venues du jazz tout autant que de la pop. Elle est belle et charmante et puise souvent son énergie dans les racines. On le rattache généralement à la « World » ce qui va bien vu d’ici.

Je l’ai pas mal écouté lors de ma période « Mezzo » où ses concerts étaient souvent à l’affiche, sans ennui et avec un certain ravissement. On retrouve ici pas mal de ce qui fait sa signature et son style. Mais cet album est un duo avec le joueur de Kora sénégalais Seckou Keita qui lui aussi apporte folklore et racines. C’est leur second album en duo après « Transparent Water », paru en deux mille dix-sept, qui reçut alors un très bon accueil. Mon exemplaire est un « Digibook » qui se présente comme un livre au format Cd avec photos, textes etc…

Les deux sont co-compositeurs et chantent le plus souvent, donnant à l’opus cette couleur « chansons » qui le rend très accessible et pleins de saveurs, venues de contrées chaudes qui se rencontrent et se comprennent de suite. Omar joue également des percus et Seckou du « talking drum ». Il faut ajouter encore un troisième personnage à cet équipage, Gustavo Ovalles l’ami vénézuelien d’Omar Sosa, qui l’accompagne de temps en temps, comme sur cet album où il joue des maracas, de la calebasse et de bien d’autres percussions encore.

Mais ce n’est pas tout car des invités se greffent à l’album au fil des chansons, comme Steve Argüelles et Yohan Henry aux « effets modulaires », ou Jacques Morelenbaum au violoncelle ou encore Dramane Dembelé à la flûte sur « Rei’s Ray » et « Voice on The Sea », ainsi la formation évolue entre trio et quintet.

Cette « World music » calme, douce et légère plaira donc à ceux en recherche de sons exotiques policés, histoire de faire une pause et de se ressourcer, goûter aux rayons du soleil et au doux balancements des eaux tranquilles… Le titre de l’album, « Suba » signifie « Aube » en langue mandingue, parlée en Afrique de l’Ouest, c’est celle de Seckou qui ajoute : « Même si vous êtes confrontés à certaines difficultés, vous remettez votre cerveau à zéro. Vous voyez le lever du soleil comme un nouveau jour, une nouvelle paix, une nouvelle chose, bonne ou mauvaise. Quelque chose d'excitant. C'est le sentiment que j'ai eu lorsque je travaillais avec Omar. »

OMAR SOSA & SECKOU KEITA - KHARIT


Voices on the Sea


Floating Boat


Allah Léno, from the Omar Sosa & Seckou Keita album 'SUBA'
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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 16 août 2024 04:33

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Kent Carter – Beauvais Cathedral – (1975)

Voici le premier enregistrement de l’extraordinaire Kent Carter que j’ai écouté alors qu’il jouait aux côtés de Steve Lacy. En ces années ils étaient souvent ensemble, Kent secondant avec grand talent l’incomparable saxophoniste. Il est lui aussi étatsunien, né à Hanover, dans le New Hampshire, mais, tout comme Steve Lacy, basé en France. Je ne sais ce qu’il est devenu.

J’ai fait sa connaissance, en tant qu’artiste solo, avec l’album « It Will Come » paru sur « Le Chant du Monde », enregistrement extraordinaire lui aussi, enregistré principalement au Chateau de Maignelay, près de Beauvais et pas trop loin de la capitale française…

On ne peut pas parler véritablement d’album solo, pourtant, nul doute qu’à l’écoute c’est l’impression que l’on a, tellement Kent investit dans la créativité et l’inventivité. Cet album n’entre pas dans la catégorie de ceux que l’on pourrait ranger du côté des œuvres difficiles ou même agressives, mais il frôle la case, car il est sans concession aucune, tellement sincère et direct dans son expression.

Je dispose de la réédition de deux mille un sur Cd, avec les ajouts de trois pièces inédites qui augmentent l’album à soixante-quatorze minutes d’enregistrement, et un nettoyage du son qui présente l’œuvre presque sous un jour nouveau. Il faut dire que Kent a beaucoup bidouillé les bandes afin de présenter une œuvre dense et variée, bien qu’elle tourne, évidemment, autour de la contrebasse et du violoncelle.

Mais il faut ajouter également une radio qui se manifeste sur « Play Time » et quelques intervenants de passage, comme Phillip Pochon au violoncelle sur « Château de Magnelay », Michala Marcus à la flûte sur « Michala Dance », Richard Marechin au piano sur l’inédit « Thumps » ou encore le « Maignelay String Quartet » sur « Steps » et Carlos Zíngaro sur « Terragona ». Toutes ces interventions souvent courtes participent à la variété du son sur cet immense album, qui ne cesse de livrer ses richesses au fil des écoutes, car l’œuvre fait partie de cette catégorie particulière qui ne distille ses qualités qu’au compte-gouttes…

Alors on admire le jeu puissant et profond du maître, la variété inépuisable des trouvailles, le travail de re-recording, avec les moyens techniques d’époque, l’énergie intense qui se libère suite aux collages et aux mixages de combinaisons d’enregistrement solos, parfois même en mono. Cet album ressemble à une aventure sonore complexe, qui semble assez inépuisable tant elle fait appel à de multiples supports, tournés dans de nombreuses directions…

Je n’insiste pas trop sur les qualités du musicien-instrumentiste mais nous sommes au « top » sans discussion possible, reste à juste tendre l’oreille…

(Avec regrets, mais sans étonnement, je m'aperçois qu'il n'y a rien à se mettre sous la dent pour écouter la masterpiece, j'en reste donc là...)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 16 août 2024 04:50

Une ancienne fiche que je vous livre...

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Archie Shepp - Black Gipsy (novembre 69)

" Black Gypsy, un cd où j’apparaissais en sideman, quoi qu’important, et qui est miraculeusement ressorti sous mon nom, œuvre du producteur Pierre Jaubert, sans contrat encore une fois ! "

Dave Burrell (piano), Archie Shepp (saxophone soprano), Clifford Thornton (trompette), Noah Howard (saxophone alto), Julio Finn (harmonica), Leroy Jenkins (violon), Earl Freeman (contrebasse), Sunny Murray (batterie), Chicago Beau (chant).

Après la période *BYG*, Shepp va enregistrer pour "America, un autre petit label français. Son voyage dans le nord de l’Afrique a suscité chez lui une boulimie créatrice et il enchaîne les enregistrements, celui-ci est le cinquième en quarante jours. Cette euphorie musicale a marqué, en même temps qu’un retour sur le continent originel, un retour au blues, à la négritude, aux racines. « Blasé » n’est déjà plus un album de free Jazz, il écrit une autre histoire qui va se prolonger avec "Black Gipsy" et au-delà, jusque dans les orchestrations plus sophistiquées "d’Attica Blues". Mais il est des pas plus intenses et prometteurs que le but lui-même.

"Black Gipsy" est une composition signée "Augustus Arnold/Chicago beau", elle occupe la première face de l’album. Après une introduction mélodieuse que l'on doit au violon de "Leroy Jenkins", la section rythmique se lance dans un long périple de près de vingt-six minutes. La pulsation est régulière et Sunny Murray marque le tempo avec une régularité qui prouve à ses détracteurs que ça aussi, il sait le faire. Le jeu des cymbales est toujours foisonnant et le feu couve, c’est sûr. Earl Freeman tient lui aussi la maison et assure une pulsion rythmique entêtée, accueillant les différents intervenants dans un confort sécurisant. Dave Burrell au piano se cantonne à nouveau dans un rôle rythmique de métronome.

Chicago Beauchamp est le récitant, il déclame ses vers sur la musique, rendant hommage au « Black Gipsy », ce gitan épris d’amour et de liberté, cette liberté dont il faut en avoir été privé pour bien en connaître le prix. Le violoniste Leroy Jenkins est un membre de l’AACM, il vient donc naturellement porter son concours sur cet album. Son intervention est importante, il apporte avec lui une atonalité acide au caractère très free, ses solos aux sonorités éraillées colorisent fort à propos l’enregistrement en lui donnant un aspect âpre et rugueux: le chemin de la liberté est épineux.

Julio Finn joue lui aussi les troubles fêtes avec son harmonica qui suinte le blues, Clifford Thornton ménage de forts bonnes interventions à la trompette tandis que Noah Howard joue des dissonances avec son alto, en écho au violon déjanté.

Archie Shepp se présente dans un rôle inhabituel, fondu dans l’orchestration, il porte une nouvelle voix, celle du saxophone soprano, duquel il joue sur tout l’album. Le phrasé est toujours le même, d’une incroyable beauté, chacune des interventions est un bonheur, il semble répondre par ce son si « coulé » à la hardiesse du violon, équilibrant à lui seul les interventions des autres instruments à vent.

"Epitaph of a small Winner" est une suite en trois parties composée par "Chicago Beauchamp" et "Julio Finn", deux fameux! La première partie se nomme "Rio de Janeiro", la seconde "Casablanca" et la troisième "Chicago". Ces lieux sont riches de souvenirs ou d’endroits que "Julio Finn" a connus ou rêvés. "Le petit gagnant dont il est question dans le titre « représente tout ceux qui après avoir tout dit et tout fait, se retrouvent pratiquement sans rien " (Julio Finn).

Comme il se doit le morceau évoquant Rio est rythmé et joyeux, toutefois on y entend aussi une touche de blues et une pointe nostalgique. Les instruments répètent inlassablement le thème à six notes d’où s’échappent les solistes à tour de rôle. Sunny Murray est toutefois la grande figure de ce "Rio" tant il étale avec brio un tapis multi-rythmique qui s’impose à l’avant du morceau, maintenus avec force par les accords stimulants du piano de Dave Burrell.

Avec "Casablanca" c’est l’Orient rêvé qui arrive, les solos se déclinent en lignes empruntées au folklore oriental, le climat se fait calme et l’atmosphère mystérieuse. Puis tout glisse vers le blues et nous voilà à "Chicago", la trompette de "Clifford Thornton" crie, Julio Finn et son harmonica répètent invariablement la mélodie, et les vents dessinent la même répétition rythmique.

Un bel effort collectif entre blues, free et marches. Encore un excellent album de la part du maître.

Archie Shepp, Chicago Beau ‎– Black Gipsy (1970)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par nunu » ven. 16 août 2024 07:16



Dommage que le son au boulot soit pourri, je le mettrais sur ma télé pour un meilleur rendu chez moi mais même la je passe un excellent moment devant ce concert de l'ONJ et de leur dernière "création". En fait c'est Steve Lehman a la composition qui se joint d'ailleurs a l'ONJ en tant que musicien pour l'occasion. par contre dans ce concert il manque la dernière pièce par rapport a l'album.

Orchestre National de Jazz

Fanny Ménégoz flûte, Catherine Delaunay clarinette, cor de basset
Steve Lehman saxophone alto, Julien Soro saxophones ténor et soprano, clarinette basse
Fabien Debellefontaine saxophone baryton, clarinette basse, flûte
Jonathan Finlayson, Susana Santos Silva trompettes, Daniel Zimmermann, Christiane Bopp trombones
Fanny Meteier tuba, Chris Dingman vibraphone, Stéphan Caracci vibraphone, marimba, glockenspiel, percussions
Bruno Ruder piano, Sarah Murcia contrebasse, Rafaël Koerner batterie
Frédéric Maurin direction artistique

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 16 août 2024 15:37

nunu a écrit :
ven. 16 août 2024 07:16


Dommage que le son au boulot soit pourri, je le mettrais sur ma télé pour un meilleur rendu chez moi mais même la je passe un excellent moment devant ce concert de l'ONJ et de leur dernière "création". En fait c'est Steve Lehman a la composition qui se joint d'ailleurs a l'ONJ en tant que musicien pour l'occasion. par contre dans ce concert il manque la dernière pièce par rapport a l'album.

Orchestre National de Jazz

Fanny Ménégoz flûte, Catherine Delaunay clarinette, cor de basset
Steve Lehman saxophone alto, Julien Soro saxophones ténor et soprano, clarinette basse
Fabien Debellefontaine saxophone baryton, clarinette basse, flûte
Jonathan Finlayson, Susana Santos Silva trompettes, Daniel Zimmermann, Christiane Bopp trombones
Fanny Meteier tuba, Chris Dingman vibraphone, Stéphan Caracci vibraphone, marimba, glockenspiel, percussions
Bruno Ruder piano, Sarah Murcia contrebasse, Rafaël Koerner batterie
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Ah! Oui j'ai vu ce truc, c'est éblouissant !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 17 août 2024 04:13

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Han Bennink Trio – Parken – (2009)

C’est le premier des trois albums enregistrés par le Han Bennink Trio, le batteur est souvent cosignataire de formations ou arrimé à toutes sortes d’aventures, mais cette fois-ci il choisit clairement le statut de leader, au moins dans le nom de la formation mais aussi pour le parrainage des autres musiciens. Il semble toujours vaillant et alerte, ayant laissé une trace phonographique en deux mille vingt-trois, en compagnie de Jelle Roozenburg.

« Parken » marque donc une étape, Han choisit donc la compagnie de deux jeunes, Joachim Badenhorst, joueur de clarinette et de clarinette basse, belge, qui a vingt-sept ans, et Simon Toldam jeune pianiste danois de vingt-neuf ans seulement. Ces deux-là sont tout de même extrêmement expérimentés et font preuve d’une grande maturité, avec Han qui ouvre les espaces, ils vont être à la fête et l’album s’annonce comme une grande réjouissance !

L’album a été enregistré à Göteborg, donc en Suède. Les compos renseignent sur l’esprit qui règne sur cet enregistrement. Toldam signe la première compo, « Music for camping », et Badenhorst la sixième, « Reedeater », mais Bennink ne signe pas de compo en solo, son taf, ce qui le branche ce sont les impros, aussi trois impros collectives sont enregistrées, le fun est donc bien présent !

L’inattendu de cet album ce sont plutôt les reprises, rien que leur présence surprend, elles sont au nombre de trois signées par … Duke Ellington ! Dont « Isfahan » par Duke et Billy Strayhorn, pour être réglo. Il y a également la superbe « Fleurette Africaine » qui enchante. Mais il faut encore ajouter à tout cela la dernière touche avant de se quitter, « Parken » composée par un guitariste danois du nom de Sieben, la pièce est chantée par Qarin Wikström.

Le sentiment que donne cet album est qu’Han se sent à une sorte de tournant, batteur free émérite et figure majuscule du free jazz européen, il conserve sur trois pièces le souffle épique et libre du free, tout en ouvrant les autres titres à une interprétation plus orthodoxe, finissant même sur une chanson, fort belle, et rendant hommage à celui qui apparaît comme une sorte de monstre du « jazz », l’immense Ellington qui a laissé une empreinte colossale derrière lui en même temps qu’un héritage immense.

Il faut également souligner une sorte de tenue lors des impros, avec même une certaine lenteur et un découpage plutôt propre, comme sur « « After The March » que Han drive avec une magnifique maestria. Les deux « jeunes » se greffent avec enthousiasme et volubilité à l’exercice si bien que cette complicité à trois illumine constamment l’album.

Cet enregistrement restera parmi les plus « matures » de Bennink, en ce sens qu’il se tourne vers ce qu’il est, tout en s’inscrivant dans la « grande histoire du jazz. A la fois étonnant, toujours aussi libre et aussi fantaisiste, offrant aux fans une nouvelle palette de ses talents.

Un petit mot concernant la pochette dessinée par Han lui-même.

Fleurette Africaine


Music For Camping


Parken


Han Bennink Trio – @ JazzCase – Pelt – 21/04/2011
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 18 août 2024 05:04

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John Zorn – Her Melodious Lay – (2024)

Ce qu’il y a d’extraordinaire avec Zorn c’est la capacité d’émerveillement qui se réveille sans cesse à chaque album, comme si l’un effaçait le souvenir de l’autre, et que la magie zornienne emportait l’auditeur, avec la force de l’évidence et la sûreté dans l’efficacité.

Dès le début de la pièce « The Enchanted Castle » tout fonctionne et ravit, comme à chaque fois, le sorcier a encore joué de sa baguette, il a même misé lourd, la pochette est magnifique, les trois volets qui se déplient nous proposent un voyage dans la tragédie Shakespearienne, et un extrait d’Hamlet figure à l’intérieur de l’album. La seconde pièce « In Sorrow’s Eye » est toute aussi magnifique et continue le voyage…

Cette fois-ci encore Zorn a confié ses compositions au duo de guitaristes Julian Lage et Gyan Riley, après « Midsummer Moons », « The Book Beri'ah Vol. 4 - Chesed », « Quatrain », ainsi que sur le coffret « Bagatelles vol 3 – Cd 10 », les voici réunis à nouveau pour un cinquième fantastique duo. A son habitude John Zorn a fortement personnalisé l’œuvre en écrivant plus particulièrement à l’intention de ses deux interprètes, ce qui se sent, ce qui s’entend.

Pour mieux démêler le « qui fait quoi » lors de l’écoute, il n’est que de se souvenir que Julian Lage joue de la guitare à cordes d'acier, tandis que Gyan Riley joue sur l’instrument aux cordes de nylon, mais seule compte cette fusion née de la synergie du duo qui crée l’œuvre et la sublime.

On retrouve ici un Zorn très inspiré qui puise dans son folk imaginaire, son jazz exigeant et sa culture classique pour mettre au service de ces deux surdoués des partitions fraîches et renouvelées, qui fonctionnent comme des pièges au rêve et à la beauté.

Alors on peut mettre en évidence « The Enhanced Castle », « In Sorrow’s Eye » déjà cités, mais également « A Cruel Theft of Light », « Mercutio » ou « Dancing Star », ainsi que la dernière pièce, « Out of This Nettle, Danger We Pluck This Flower, Safety », qui semble ouvrir vers un ailleurs…

The Enchanted Castle


In Sorrow’s Eye


Mercutio


Out of This Nettle, Danger We Pluck This Flower, Safety
Modifié en dernier par Douglas le mar. 20 août 2024 01:58, modifié 1 fois.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 19 août 2024 04:17

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Veryan Weston, Ingrid Laubrock, Hannah Marshall – Haste – (2012)

Haste, qui signifie « la hâte » est un album enregistré en trio à l’Espace Culturel Casa Madrid à Barcelone en février deux mille onze. Cette captation live est particulièrement bien réalisée et nos musiciens sont bien mis en valeur. Le pianiste anglais Veryan Weston, la saxophoniste allemande Ingrid Laubrock au soprano et au ténor et la violoncelliste anglaise elle aussi, Hannah Marshall.

C’est un album de free jazz avec de longues envolées improvisées au fil de l’eau. Trois pièces s’organisent, « Sleeping Down Hill » de plus de vingt-sept minutes, « Leaning Up » qui dépasse les vingt-trois minutes et le bref « Courtesy Of None » de près de six minutes qui termine le concert.

Contrairement aux historiques albums free de l’époque héroïque, le free d’aujourd’hui se présente souvent « clean » et sans fureur, la colère est passée, reste les échanges qui se déploient et se multiplient dans l’espace et là c’est assez énorme. Le mieux est de s’en remettre aux musiciens et de se laisser porter, car tant de choses et d’événements se déroulent, qu’il semble vain de vouloir analyser, le mieux est de faire confiance au ressenti, simplement recevoir et laisser se dérouler le long fil de cette musique, si forte et si intense.

Il serait vain également de vouloir privilégier un musicien ou un autre, car ils avancent à trois de front, le plus souvent, et tout s’enchaîne avec une telle maîtrise que l’on pourrait y sentir un ordre, une organisation, mais rien n’est garanti, peut-être suffit-il d’un regard, d’une expression ou d’un geste discret pour que la musique tangue ou vacille d’un côté ou d’un autre…

Perso je connais davantage Ingrid Laubrock qui est restée longtemps en Angleterre, ce qui explique probablement cette rencontre, avec l’extraordinaire Hannah Marshall, époustouflante d’un bout à l’autre, et le vétéran Veryan Weston, né au beau milieu du siècle dernier. La musique offerte exprime le mouvement, alternant le lent et le rapide, le droit et le courbe, le sonnant et le dissonant, mais toujours en cohésion, comme s’il n’y avait qu’une volonté qui change de pôle mais fonctionne pour trois.

L’énergie qui circule est puissante et vive, conjuguant les éléments, mais souvent de feu, qui se consume, s’alimente sans cesse et se ravive, pour renaître autrement, à un autre point, et faisant jaillir de nouvelles flammes…

Vraiment un très bel album, mais qui écoutera « Haste » ?

Sleeping Down Hill


Leaning Up


Courtesy of None
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