
Rodrigo Amado The Bridge - Beyond The Margins – (2023)
Sur la couverture on peut lire en évidence le nom de Rodrigo Amado en tant que leader ou puissance invitante, dira-t-on. « The Bridge » est le nom du groupe qui inclut également le saxophoniste portugais Rodrigo Amado, et « Beyond The Margins » est le nom de l’album, je précise car ce n’est pas très clair à la seule vue de la pochette.
Les autres musiciens sont l’allemand Alexander von Schlippenbach au piano, l’étatsunien Gerry Hemingway à la batterie qui est installé en suisse, et le norvégien Ingebrigt Håker Flaten à la contrebasse. Ils sont enregistrés à « at Pardon To Tu », à Varsovie le trois octobre deux mille vingt-deux. Ils jouent deux pièces improvisées ainsi que des variations autour du « Ghosts » d’Albert Ayler.
Le premier titre est donc le massif « Beyond The Margins » de plus de quarante minutes. Cette pièce est celle de la rencontre car ce quartet ne comporte que peu de familiers, mais peut-être se sont-ils rencontrés ou ont-ils établis des conventions, c’est probable mais rien n’est dit. La seule concession se situe entre Amado et Alexander von Schlippenbach, qui avaient jouté ensemble une première fois, ce qui est certainement à l’origine de ce projet, plus aventureux, à quatre.
Au titre de l’anecdote on remarque que le label qui produit l’album est « Trost », l’autrichien, celui-là même qui publia l’extraordinaire « Akira Sakata & Entasis – Live in Europe 2022 » dont il a été parlé un peu au-dessus.
Comme souvent avec ces musiques free très improvisées, il faut patienter un peu avant que tout ne se mette en place pour que l’explosion ou le miracle se produise, ici c’est vers la vingt-huitième minute que tout se cristallise et devient incroyable, bien sûr les préludes sont également intéressants et possèdent un charme inoubliable, et même indispensable, nécessaire à l’apothéose…
Ainsi la musique est très contrastée, parfois badine ou mutine, elle semble se promener dans les paysages en dessinant des arabesques, à d’autres moments elle explose, semblant obéir à la loi incontournable de la création et de la dissémination. A ce stade on remarquera que le jeu de Rodrigo Amado ne recourt pas aux effets qui firent les belles heures du free d’autrefois, pas de cri, de couinement ou autres décorations sonores intempestives, le son du sax reste « propre » tout du long, volubile quand c’est nécessaire, et virtuose souvent, mais sans scories ni divagations.
La seconde pièce « Personal Mountains » voit Schlippenbach continuer son approche artistique, comme en parallèle avec celle du saxophoniste, mais avec toute la longévité musicale dont il a été acteur, lui, l’historique artisan du free, qui joua avec les plus grands et connaît son bréviaire du bout du doigt. L’ultime pièce, « (Visiting) Ghosts » nous renvoie aux grandes heures de cette musique et nous en propose une photographie et une lecture passionnante. Après un départ tourbillonnant et virevoltant qui s’achève petit à petit en murmures et balbutiements, jusqu’au silence…
Un très bel album !
Beyond the Margins (Live)
Personal Mountains (Live)
[Vísiting] Ghosts [Live]