C’est une réflexion très intéressante mais je suis totalement en désaccord avec ce que tu dis. D’autant plus que ce que tu décris comme une sorte de rêve constitue pour moi un cauchemar. Tu as vraiment un don pour mettre ta poésie dans des trucs où je n’en vois pas une goutte. Je déconne pas, je ne suis pas ironique en disant ça. Tu pourrais soumettre ton idée aux mecs de Black Mirror pour créer un épisode de leur série avec ce que tu vois comme avenir. Ils pourraient le traiter de manière idyllique pour changer. Montrer un futur utopique selon ton point de vue et pas dystopique, pour une fois.vox populi a écrit : ↑ven. 22 août 2025 07:08Pour revenir au sujet de l'IA dans l'art je vous propose une vidéo, diffusé il y a déjà 2 ans sur la chaine hélas aujourd'hui en arrêt, META.
À mon avis, cette vidéo propose quelques réflexions très justes et pose de très belles questions.
Je voudrais insister dans ce post sur une des remarques pertinentes de la vidéo et pousser son idée un peu plus loin.
- Elle nous rappelle que l'IA ne fait que prolonger la philosophie de l'art contemporain qui, depuis Duchamp, valorise le concept à la place de la technique.
La plupart des artistes contemporains reconnus comme des "stars" aujourd'hui ne produisent pas eux-mêmes leur œuvre : ils en ont simplement l'idée. Le concept est artistique, la réalisation est mécanique et donc sans intérêt (pour eux, pas pour moi, je le précise).
Pour illustrer ce point de vue, je souhaite vous parler de l'œuvre Him. Him est une sculpture réalisée en 2001 par l’artiste italien Maurizio Cattelan. Elle représente une petite silhouette agenouillée en prière, dont le visage est celui d’Adolf Hitler. Par son apparente innocence d’enfant et la brutalité du personnage représenté, l’œuvre cherche à provoquer le spectateur à travers la possibilité d’éprouver de la compassion pour le mal absolu.
L’œuvre soulève une question de création : si l’idée vient de Cattelan, la réalisation matérielle de la sculpture a été confiée au sculpteur français Daniel Druet. Cela ouvre le débat en art contemporain : l’auteur est-il celui qui imagine ou celui qui fabrique ?
Ce désaccord a donné lieu à un procès en France. Daniel Druet a réclamé la reconnaissance de sa paternité exclusive sur plusieurs œuvres qu’il avait exécutées pour Cattelan, dont Him. Il estimait que ses interventions allaient bien au-delà d’une simple tâche technique. La justice française a cependant tranché en faveur de Cattelan : en 2022, puis en appel en 2024, les juges ont confirmé que l’artiste conceptuel restait l’unique auteur de l’œuvre.
Si on extrapole cette conception de l'art, l'IA n'est qu'un outil de plus qui permettra aux artistes de développer des concepts nouveaux.
On peut très bien imaginer que la véritable œuvre soit, par exemple, la requête formulée sur le logiciel Suno par un compositeur, laquelle lui permettra de générer une musique qui touchera le public.
La musique découvre ainsi un nouveau courant : « l’art du prompt ».
Un nouveau courant qui existera peut être dans quelques années comme le rock ou la funk.
Cela me semble d'autant plus évident que la capacité de discuter avec l'IA (le prompt) va prendre une place centrale dans notre vie ces prochaines années. Il serait donc dommage que cette nouvelle discipline n'ait pas sa face "artistique". Nous avons besoin de développer l'art du prompt, en musique, comme dans toutes les autres formes de création car en se faisant nous rendrons l'IA plus humaine.
Dans la perspective que tu imagines on se transforme en purs esprits, en quelque sorte. On ne fait plus que penser et le dire à des machines qui vont exécuter. Sans compter qu’on risque un peu de se faire chier à ne faire que penser, comment va-t-on distribuer les droits d’auteur ? A la première ou au premier qui y a pensé ? Comment arriver à une distribution juste ? La première ou le premier qui l’a dit à l’IA ou la première ou le premier qui l’a pensé ? Pourquoi privilégier celle ou celui qui a eu la présence d’esprit de mettre en batterie l’IA plutôt que celle ou celui qui l’a pensé en premier puisque l’exécution n’a pas d’importance ? Comment savoir qui dit vrai dans ce cas ? On met des trackers de pensée sur tous les gens ? S’il y a une panne d’émetteur ? La batterie à plat de la puce dans le cerveau ?
Dans ce cas, j’imagine que des gens passeront des heures entières à enregistrer toutes les idées qui leur passent par la tête pour en réclamer la pérennité si un jour quelqu’un les réalise. C’est exactement ce que je disais dans un post précédent et que tu résumes par « l’art du prompt ». Ce n’est plus l’œuvre qui est soumise aux droits d’auteur, c’est le prompt qui a initié sa fabrication. Je n’arrive pas à trouver ça autrement qu’absurde…
Dans le cas que tu cites (Him), je trouve que les tribunaux ont commis une grande injustice. Le mec a une idée et il la soumet à des sous-fifres qui font tout le boulot mais c’est lui qui récolte le pognon ! Des idées, j’en ai des tonnes par jour et je n’en réalise que très peu. Si je vois une de mes idées élaborée par quelqu’un d’autre, je lui tire mon chapeau et j’apprécie la nuance qu’elle ou il a apporté à « mon » idée. Parce que la même idée réalisée par des gens aura autant de variations que de gens qui s’y seront collés. Je peux pester un peu contre la flemme ou la fatigue qui m’a empêché de faire le truc mais il ne me vient pas à l’idée de réclamer quoi que ce soit.
Pour en revenir à la musique, l’IA ne fait que des morceaux, des chansons qui ressemblent à de la musique. Mais ce n’est pas de la musique. On peut dire que le vent dans les frondaisons fait de la musique, la bouilloire qui siffle, les bruits quotidiens, etc… Selon ma vieille prof de musique du lycée, oreille absolue, la rumeur au loin d’une grande ville fait un FA dièse… On ne peut donc pas dire que toute la musique provient d’humaines ou d’humains. Mais les morceaux, les chansons, si ! C’est l’expression de la « pulpe » humaine. D’ailleurs, quand le but du rigolo à l’origine de la chanson est simplement de faire du fric, ça se sent à plein nez. Ça ne veut pas dire que ça ne marche pas, mais la volonté de départ est quasi transparente. Avec l’IA, il n’y a pas d’intention dans l’exécution. Qu’il y ait une intention dans le prompt n’a aucune espèce d’importance. En passant par l’algorithme, le disque dur, le data center et tout le reste, l’intention de départ, même s’il y en a une belle et bonne, est annulée. Et si l’oreille peut accepter que des machines produisent le son d’instruments, ce n’est pas le cas pour la voix humaine. Il n’y en a pas deux identiques et la voix de synthèse est pareille à celles qu’on lui demande de mixer.
Dans la voix, ce qui est unique, c’est le timbre. Je regarde The Voice depuis que ça existe pour ça : les timbres de voix. J’aime écouter chanter les gens. Même des conneries, d’où The Voice. Quand j’étais manœuvre sur les chantiers, un des mes collègues chantait à tue-tête des tas de conneries, « La digue du cul » et autres joyeusetés. Avec son accent portugais, c’était magnifique. Il disait : « Je connais pas « O sole mio » ni des belles chansons mais j’aime bien chanter. » Il nous faisait un concert génial avec des conneries. Ce qu’il y a de bouleversant dans la voix humaine ne peut pas se retrouver dans la production d’une machine.
Ce que produit l’IA n’est pas de la musique. Ça y ressemble, mais c’en n’est pas. Il manque « la pâte humaine » décrite par le philosophe dont le nom m’échappe. Comme disait le grand penseur André Pousse, poète à se heures, à Raphaël Mezrahi qui l’interviewait « Si sur les chiottes ya écrit bénédictine, ben c’en est pas ! »
