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2013

Ces douze derniers mois, l’influence de la musique des années 60 et 70 sur la scène actuelle s’est fait grandement sentir. Si ce retour en force du folk dépouillé ou des sonorités psychédéliques et progressives était déjà marquant auparavant, 2013 nous a livré une multitude d’albums qui auraient fort bien pu sortir il y a quarante ans sans que cela surprenne le mélomane d’alors. Doit-on en tirer un constat alarmant ? Penser que nous avons atteint les limites de l’exploration musicale ? Qu’à défaut de savoir créer d’autres styles, les jeunes musiciens d’aujourd’hui se contentent de dépoussiérer le vieux rock ? Ce serait oublier que les courants artistiques ont toujours poussé en puisant leur force sur les racines du passé. Le british folk des années 60 tissait sa trame en utilisant les fils des airs traditionnels des siècles précédents. Led Zeppelin piochait allègrement dans le vieux blues. Qui s’en offusquait ? Pourquoi devrait-on condamner aujourd’hui toute une génération de gamins qui carburent au bon vieux rock et lui rendent hommage ? Et le font, de surcroît, avec une évidente sincérité, préférant séduire sur scène plutôt que de tremper leur cuillère dans la soupe des radios commerciales ?

Prenons l’exemple des Strypes, ce groupe irlandais dont l’addition de l’âge des membres totalise environ celui d’un Robert Plant ou d’un Mick Jagger. Pourquoi ces jeunes rockers ont-ils choisi de reprendre Bo Diddley et de composer leurs propres chansons en suivant les traces de groupes tels que les Yardbirds ? Parce qu’ils ont été biberonnés au son du british blues boom des années 60 par des parents eux-mêmes passionnés de vieux rock. Passionnés, tout tient dans ce seul mot. Certains styles sont intemporels. Ils n’ont pas de date de péremption.

Il est sorti tant de superbes disques en 2013 qu’il est impossible de réellement faire le tour de toute la production musicale de cette année. Ce Top 10 ignore sans doute cruellement quelques possibles pépites qu’il ne m’a pas encore été possible de découvrir. Voici donc ma modeste liste des 10 albums qui m’ont le plus emballée ces derniers mois. Avec, pour chacun d’entre eux, une chanson à découvrir.

Bonne écoute !

 

Mon top 10


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1. Blackfield
IV


Le précédent Blackfield, Welcome to my DNA, était si renversant qu’on pouvait craindre légitimement que la suite serait forcément décevante. D’autant plus qu’on nous avait annoncé que Steven Wilson limiterait sa participation à l’opus nouveau, se contentant de mixer et de ne chanter seul que sur un seul morceau (Jupiter). Fort heureusement, Aviv Geffen a su brillamment démontrer qu’il était tout autant l’une des forces motrices de Blackfield et que le rôle en retrait de Wilson ne sifflerait en aucun cas la fin de la belle aventure. Geffen prend donc les commandes et signe 11 nouvelles chansons qui oscillent entre folk rock progressif enivrant (Pills) et pop raffinée diablement accrocheuse (Sense of Insanity). Ce qu’on en retient principalement est que ce IV, à mille lieues de décevoir, est simplement la belle surprise la plus inespérée de cette année.

Style : pop rock progressif

À écouter : Pills






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2. Midlake
Antiphon


Certains semblaient vouloir condamner ce nouvel album de Midlake avant d’en avoir entendu la moindre chanson. La raison ? Le départ de Tim Smith, chanteur et moteur du groupe. Amputé ainsi de son membre majeur, Midlake aurait pu en effet subir ce que les Doors avaient dû endurer après la mort de Jim Morrison. Continuer sans lui et décevoir, puis déposer les armes. Les brillants Texans ont su au contraire hisser haut l’adage selon lequel personne n’est irremplaçable. Eric Pulido porte avec aisance le costard de chanteur que Smith lui a légué. L’album s’ouvre sur Antiphon qui nous rappelle les meilleurs moments du groupe suédois Anekdoten. Le deuxième morceau, Provider, est une perle de folk rock progressif qui offre un flamboyant contraste à sa plus popesque suivante, The Old and the Young. La suite est tout autant envoûtante. Antiphon se savoure dès la première écoute, mais le disque se bonifie en squattant la platine.

Style : folk rock progressif

À écouter : Antiphon

n s'e
n tape. Le charme opère toujours.



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3. The Strypes
Snapshot


Ouep, c’est des gamins. Environ 15 ans en moyenne à la sortie de leur premier EP l’an dernier. Leur jeune âge et le fait qu’ils aient suscité un vif intérêt chez d’illustres « vieux » comme Noel Gallagher et Paul Weller avant même la sortie de leur premier véritable album auraient pu les pousser à l’erreur. C’est qu’on les attendait au tournant, les p’tits gars… Ils ont su contourner avec un culot remarquable les sales obstacles posés ici ou là par ceux qui espéraient sans doute qu’ils se prennent une sacrée raclée, écoeurés par l’aisance avec laquelle ces marmots dépoussièrent, entre autres, Bo Diddley (You Can’t Judge a Book by the Cover). Snapshot foudroie par l’inimaginable maturité des compositions originales. Car, non, même s’il eut été facile de nous balancer un album de reprises, et de suivre ainsi l’énervante tendance commerciale, les Strypes savent écrire leurs chansons et démontrent par ce premier opus qu’ils ne sont pas seulement des fabuleux petits singes musiciens. Ils sont également des créateurs à qui on ne peut souhaiter qu’un long parcours au cours duquel jamais ils ne rencontreront un sordide imbécile qui cherchera à les brider.

Style : blues rock

À écouter : Blue Collar Jane






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4. Piers Faccini
Between Dogs and Wolves


Piers Faccini avait déjà su séduire grandement le public et le jury du prix Constantin avec son troisième album, Two grains of Sand, sorti en 2009. Sa musique folk classieuse se rapproche de celle de Leonard Cohen, mais son univers sonore est plus envoûtant et lumineux que celui de l’illustre et inévitable comparaison. Ce cinquième disque de l’auteur-compositeur anglais est un collier de perles ouatées et divinement raffinées. Tout, ici, s’allie avec une telle perfection, la voix, les paroles, la musique, qu’on se sent transporté dans une dimension rarement accessible par la simple écoute d’un disque. Piers est d’origine italienne. Il a grandi en France. La présence d’une chanson dans sa langue « paternelle » (Il Cammino) et d’une autre en français (Reste la marée) ne surprend donc pas et ne nuit en rien à la cohérence de ce fabuleux ensemble.

Style : folk

À écouter : Broken Mirror






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5. BigBang
The Oslo Bowl


Le premier album de ce groupe norvégien date de 1995. Celui-ci est le neuvième, déjà. Pourtant, malgré l’indéniable qualité de sa discographie, BigBang peine à se faire connaître hors de ses frontières. S’il y avait une justice dans cet impitoyable monde artistique, les médias feraient correctement leur boulot, ne se contenteraient pas de chroniquer uniquement les galettes que les maisons de disques leur envoient, et exploreraient d’eux-mêmes d’autres contrées musicales en sortant des sentiers balisés. Ils encenseraient alors The Oslo Bowl, qui mérite grandement de l’être, et élargiraient enfin le cercle d’inconditionnels de ce groupe brillant. L’album alterne superbement les ballades folks et les morceaux de rock « high voltage ».

Style : indie rock, folk rock

À écouter : Like Americans Do






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6. Alela Diane
About Farewell


Alela s’était quelque peu égarée dans un univers parfois plus americana que folk après la sortie de son fabuleux premier album, The Pirate's Gospel. Il lui aura fallu une difficile rupture amoureuse pour retrouver le droit chemin qu’elle avait su si brillamment emprunter à ses débuts. About Farewell est la déclaration de désamour en 10 chapitres qu’Alela a rédigée pour son ex. Mélancoliques, tristes, ces chansons sont toutefois étrangement lumineuses. Elles chauffent sous un soleil discret. Lucides, elles sont une porte qu’on referme doucement pour en ouvrir une autre. Celle qui sort de la torpeur liée à une relation agonisante et fait ressurgir l’inspiration. La chanteuse californienne nous offre ici son meilleur disque depuis The Pirate's Gospel.

Style : folk

À écouter : Colorado Blue






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7. Jake Bugg
Shangri-La


19 ans seulement, deux albums au compteur, et Jake se voit déjà propulsé au rang de génie du rock actuel. Est-ce mérité ? Oh que oui ! Ce gamin a grandi dans un milieu modeste en se bâtissant un univers dont la trame sonore était le folk et le rock des années 60 et 70. Il déclarait que la toute première chanson qui l’avait profondément marqué était Vincent de Don McLean. Rien de moins… Sa soif de découverte musicale le mènera de Buddy Holly à Jimi Hendrix, en passant par les Beatles et Donovan. Et cette culture qu’il s’est forgée de lui-même s’entend dans sa musique. L’une des forces de ce deuxième album est l’aisance avec laquelle Jake passe d’un style à l’autre. On pense à un Bob Dylan dopé aux amphétamines quand on écoute There’s a Beast and We All Feed It. Et Crosby Stills & Nash nous reviennent en mémoire lorsque Jake chante All Your Reasons. Tout est lumineux dans ces douze chansons qu’on a une irrésistible envie d’entendre encore et encore…

Style : folk rock

À écouter : There’s a Beast and We All Feed It






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8. Détroit
Horizons


Stupeur et déception lorsque j’ai entendu parler de ce projet en duo de Bertrand Cantat des mois avant la sortie d’Horizons. J’espérais un album en solo, introspectif, très folk. Un truc bien à lui. Puis quelques chansons ont été proposées pour promouvoir le disque avant sa parution, et la crainte s’est envolée, laissant place à l’impatience de pouvoir enfin écouter l’intégralité de ce qui s’annonçait déjà comme étant un potentiel candidat pour ce top de fin d’année. La voix est toujours aussi sombre et majestueuse, peut-être un peu moins fougueuse. Parfaite alors, justement, pour épouser ces compositions finalement souvent plus proches du folk que du rock carabiné des premiers Noir Désir. Reste à souhaiter que les critiques élogieuses enveloppant cet album donneront à Cantat la force et la volonté d’aller plus loin, d’enregistrer un disque enfin seul.

Style : folk rock français

À écouter : Terre brûlante






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9. Steven Wilson
The Raven That Refused To Sing


Il peut sembler étrange de placer le nouveau Steven Wilson derrière celui de Blackfield auquel il a collaboré. Non, ce n’est pas par snobisme, ou par volonté de contredire les médias qui, dans l’ensemble, ne manqueront pas de hisser The Raven That Refused To Sing sur l’une des plus hautes marches de leur classement et ignoreront Blackfield. Ce disque de Wilson est une évidente réussite, certes. On peut toutefois lui reprocher d’être un peu trop linéaire, voire convenu. Plusieurs écoutes sont nécessaires avant qu’il ne parvienne enfin à se frayer un chemin dans notre mémoire. Mais lorsqu’il le fait, il impose naturellement sa présence parmi les dix albums majeurs de cette année.

Style : rock progressif

À écouter : Drive Home






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10. Babyshambles
Sequel To The Prequel


Pete Doherty est assurément l’un des musiciens les plus incompris de ce millénaire. Le Jim Morrison ou le Jimi Hendrix des temps modernes. Le génie qui nous quittera peut-être prématurément et dont on reconnaîtra l’immense talent trop tardivement. Il a chanté sur scène avec Bert Jansch, merci de ne pas l’oublier… L’annonce d’un nouvel album des Babyshambles, 6 ans après le précédent, a d’abord été source de déception. Pete avait livré un si beau disque en 2009, Grace/Wastelands, et la suite de son parcours en solo se fait attendre depuis bien trop longtemps. Le grand retour des Babys sonnait comme un frein à ses propres projets. Mais, finalement, l’écoute de Sequel To The Prequel a vite balayé ces sombres pensées. Plus maîtrisée, moins joyeusement bordélique que les précédents opus du groupe, plus cohérente, donc, la nouvelle galette regorge de petites bombes post-punk tout en laissant assez de place à Doherty pour glisser çà et là quelques chansons plus proches de son univers personnel (Farmer's Daughter, par exemple). Pete ne s’égare donc finalement pas tant que ça…

Style : indie rock, post-punk

À écouter : Fireman




 Béatrice

 

 

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